mardi 21 janvier 2014

Equilibre Economique ou Ecologique : La spirale des cercles vicieux




Le monde est en changement, affirme t-on. Les dynamiques du changement, voulues, subies, constatées, s'accélèrent-elles ?

Parfois des équilibres séculaires sont remis en cause par la cascade infernale de cercles vicieux. Des lacs purs et limpides se troublent. Des catastrophes économiques sont annoncées.

Comment expliquer la spirale des cercles vicieux ?

A l'opposé, appelle-t-on bien à propos la dynamique des cercles vertueux ? Atteindre un nouvel équilibre, où l'organisme fonctionne sans détours inutiles, en harmonie et simplicité, sans "l'usine fantôme" qui pèse sur les processus ?

Combien de conseils bien avisés promettent la dynamique d'un changement progressif, fondé sur un cercle vertueux ? Par exemple dans les approches "qualité" reprenant à l'envie les principes de la "Roue de Deming"

Nous traitons ici des "architectures de valeur". Cela pourrait paraître loin du sujet, voire abscons. Mais il s'agit de comprendre, voire de construire, un maillage, une architecture, de chaînes de valeur. Que la dynamique soit vicieuse, ou vertueuse, ne réalise-t-elle pas finalement une transformation ?

Entendons nous bien, le terme de valeur est à prendre ici dans son acception la plus générale, il ne s'agit pas uniquement d'une mesure monétaire: on pourrait parler plus exactement de chaîne de transformation. Ne revenons pas sur ce débat maintes fois évoqué ici : voir sur ce site "chaînes de valeur abstraction des transformations" et pour explorer toutes les dimensions sémantiques de la valeur : le polymorphisme de la valeur.

La transformation, qu'elle se fasse par incréments "vicieux" ou "vertueux" est, en somme, au centre de cette analyse... Que nous l'appliquions aux systèmes d'information, aux processus, ou, plus globalement, à notre vie, notre société, ou tel ou tel organisme, ou même dans une vision cosmologique.

Nous remarquions (voir "loin et large") qu'il y a le quotidien des transformations, et, sur une autre échelle de temps, les effets à plus longs termes, qui marquent aussi une évolution plus globale.

Le quotidien des transformations

Au quotidien, plusieurs opérations, changements, biorythmes, ... coexistent, obéissant chacune à sa propre logique de transformation :

  • ceci est clair par exemple dans la vie de l'entreprise ( voir l'article "les azimuts des chaînes de valeur") qui simultanément se doit de produire en mettant en oeuvre des cycles de transformation matérielle ou immatérielle typiques du métier, commercialiser selon les attentes des cibles et les saisonnalités, c'est à dire transformer les parcours prospects ou clients en opportunités et en ventes, définir ses nouveaux produits et services,...
  • la vie économique, sociale, suit de mêmes lois où chaque opération a un sens concret : échange économique, engagement social, prestations marchandes ou désintéressées, ... La transformation numérique est un des facteurs majeurs de changement actuel, abordé sur plusieurs angles ici : les effets sur la croissance économique, le modèle d'une entreprise de l’écosystème numérique,
  • à un autre niveau de globalité, nous avons par exemple illustré les transformations impliquées dans le changement climatique.
Dans chacun de ces cas, les transformations et opérations typiques sont toutes différentes mais nécessaires à l'objectif commun de vie, de développement, voire de survie,.. Nous avons proposé de représenter leur combinaison par un polygone. Cette image symbolise à la fois la spécificité de chaque transformation, clairement identifiée par son rythme d'opération, et leur symbiose au sein de l'organisme concerné : l'entreprise, la société, le micro-organisme, l'automate, l'individu, la planète,...

L'évolution globale

Par delà les différentes transformations réalisées au quotidien, par les cycles opérants, l’organisme, à un niveau plus global, n'est pas immuable : il suit sa propre évolution. Et nous ne sommes pas toujours éclairés sur cette évolution :
  • soit que la vision nous fasse défaut,
  • soit que nous connaissions mal, ou soyons peu conscients, des interactions entre les différentes opérations, de leurs implications croisées, de leurs dimensions psychologiques cachées, de leur résonance sociale ...
  • soit qu'un changement de paradigme bouleverse les règles du jeu en place, et les périmètres d'action traditionnels : dérive, décroissance, décadence sont au rendez-vous d'évolutions non maîtrisées car orphelines de toute gouvernance sur le bon périmètre, ... comme illustré à maintes occasions ici.
Ainsi le système, l'organisme, peut prendre une trajectoire déviante par rapport aux objectifs qui lui sont assignés (croissance de l'entreprise, santé économique, écologie, ...).

Cercles vicieux

Un équilibre précaire

Les cercles vicieux amplifient de telles déviations. Dans notre schéma polygonal, et bien que chaque segment soit présenté comme indépendant des autres, il est clair qu'il y a de nombreuses interactions, qui sont le nid de boucles de rétroaction "heureuses", dites vertueuses, ou "malheureuses", vicieuses.

Ainsi, les différentes transformations, facettes du polygone, concourent, dans leurs diverses dynamiques, à l'équilibre global. Le système global est en mesure de s'adapter aux évolutions habituelles de son environnement : fluctuations des marchés, évolutions technologiques, démographiques, exigences réglementaires, aléas courants,... Ce sont les mécanismes vertueux qui garantissent l'homéostasie.

Par contre certaines évolutions peuvent amener à une détérioration de l'équilibre, les mécanismes d'adaptation habituels ne fonctionnant plus à bon escient.

Par exemple, le succès d'une entreprise sur son marché, au travers de son cycle de vente, dépend, entre autres facteurs, de ses produits ou services, eux-mêmes définis dans un cycle de conception. Il dépend aussi de la qualité de la fabrication intimement liée aux cycles productifs. Une chute de part de marché  peut suggérer une descente en gamme pour tenter de suivre la concurrence sur les prix, avec une baisse de qualité pour comprimer les coûts. Cela conduit finalement à perdre encore plus face à une concurrence agressive sur les prix de revient. Ces réactions en cascade provoquent une sortie accélérée du dit marché. Le cercle vicieux, l'erreur de vision, les réflexes surannés, ont un effet accélérateur sur le mouvement naturellement engagé, par exemple suite à une forte globalisation de la fabrication et du transport.

Car tous les organismes fonctionnent selon un principe similaire, à l'instar d'un "moteur à X temps" : chacune des transformations élémentaires (cycle productif, cycle de vente, cycle d'évolution des produits et services, transformation du réseau, de la structure, etc...) obéit à sa propre logique avec ses contraintes, ses ressources, son biorythme. A chacune son échelle de temps, mais l'ensemble fonctionne harmonieusement grâce à de multiples interactions : les nouveaux produits sont définis à temps pour répondre au marché, ils sont produits en heure, distribués par le réseau à propos, les ressources sont allouées, les informations circulent, la gestion passe commande, synthétise, anticipe, ...... L'organisme trouve son équilibre, a les bons réflexes, s'adapte, se développe, évolue. Le moteur à X temps tourne rond.

Déséquilibre d'un écosystème

Les exemples qui viennent à l'esprit ci-dessus proviennent de la sphère économique : vie de l'entreprise, équilibre d'une économie, nous en avons présenté de nombreuses illustrations ici, essentiellement basées sur l'analyse de la chaîne de valeur. Avec un focus particulier sur l'économie numérique.

Mais, dans la nature, des transformations sont tout aussi observables. Prenons exemple sur celles de l'écologie. Les cercles vicieux signent alors les perversions d'un écosystème. L'exemple du déséquilibre écologique d'un lac est frappant. Le voici résumé ci-dessous :
Équilibre écologique d'un lac

  • Le lac reçoit par ses affluents une eau comprenant différents éléments naturels, voire des polluants ou des matières organiques en quantité anormale (nitrates, phosphates).
  • Ce biotope est habité par différentes espèces, par exemple des poissons, des micro-organismes, qui, lors de leur activité (métabolisme)  produisent des dérivés, recyclés ou non par d'autres espèces. Un déséquilibre de type cercle vicieux peut se produire si une espèce et son métabolisme deviennent dominants, et incompatibles avec la survie d'autres organismes.
  • D'ailleurs par delà ce cycle du métabolisme, les espèces sont en compétition dans le biotope et un déséquilibre peut aussi se produire dans une des compétitions, aboutissant au même résultat de domination.
  • Le cycle biologique de reproduction, de régénération des populations, peut aussi être perturbé par divers facteurs influencés par les changements survenant dans le biotope.
  • D'autres échanges avec l'environnement se font à l'occasion des saisons et climats : énergie solaire, chute de feuilles,...
  • Le lac, qui résultait d'un équilibre écologique naturel, peut ainsi se maintenir en l'état par homéostasie, ou suivre une évolution défavorable à sa survie en tant que lac à l'eau claire. Il devient étang, mare, marécage, forêt dans un processus d’eutrophisation.

Ainsi ce lac tranquille, que nous admirons et qui nous ressource, abrite de multiples transformations, et son équilibre est tout aussi fragile que celui d'une entreprise ou d'une collectivité, dès lors que des perturbations perverses enclenchent ces maudits cercles vicieux.