jeudi 3 octobre 2013

La complexité est-elle une fatalité ?


A de multiples occasions tout un chacun s'étonne, s'émeut, s'insurge contre le monde actuel, ses absurdités, les travers des réglementations toujours plus envahissantes, les subtilités de technologies déroutantes, les pratiques régaliennes de multi-nationales échappant à tout contrôle...
Le temps passe et le monde devient de plus en plus complexe, une complexité que chacun subit, dans sa vie quotidienne, les péripéties administratives, les relations professionnelles, ses parcours de loisir, de soins, de travail, ...
Est-ce une fatalité ?
Quel parti prendre en tant qu'usager, citoyen, acteur de la transformation des sociétés ?

  • On pourrait se glorifier de cette évolution, sensée apporter dans ses gènes le bien à tous, comme le prêchent les apôtres du tout technologique : ce serait bien naïf, car l'envers de la médaille est flagrant.
  • On pourrait se conforter dans l'attitude de l'autruche, ne jurer que par le passé, ne rien voit venir et rester sur des schémas classiques, sur les territoires des traditions, seuls considérés comme légitimes...


Prenons un instant la position d'observateur, d’analyste de cette complexité, dont nous sommes si intimement acteur, volontaire ou non, enthousiaste ou grincheux...Un instant imaginons que nous ne sommes pas concernés. Donnons-nous du champ. Que se passe-t-il à l'échelle globale et dans un temps qui s'accélère ?Après tout, nous sommes dans une petite bulle d'un univers est en expansion, et nous n'avons aucune prise sur ce fait, si longtemps ignoré, et qui nous dépasse.


Expansion de l'Univers
Où va notre petite bulle, notre monde à nous, et quels sont les changements qui nous gouvernent ?

La vision d’anthropologue


Prendre de la distance comme si nous n'étions pas acteur de notre monde : considérer notre civilisation comme le ferait un anthropologue qui nous découvre dans dix mille ans...

Le développement de la complexité connaîtra-t-il des limites ? Est-il simplement conséquence de l'évolution, ou la détermine-t-il en retour ? Quelles sont les parades imaginées et seront-elles durables ? La technologie facteur d'innovation infinie, avec ses succès et ses travers, pourra-t-elle aider à maîtriser un désordre brownien de plus en plus insensé ?

Simulation du mouvement brownien

Sans vouloir philosopher, notre évolution est à placer dans son contexte global. La complexité est inhérente à notre mode de vie : elle résulte par exemple de compromis sociaux, de conflits d'exigences qui donnent naissance à des régulations, des réglementations de plus en plus sophistiquées, souvent mal conçues dans leurs premiers jets. Elle résulte aussi des possibilités offertes aux acteurs économiques, par exemple pour inventer des produits financiers tellement élaborés qu'ils leurrent clients et régulateurs, des services globaux qui se font fi des territoires nationaux fragmentés à une autre époque, ...

Deux secousses telluriques


Deux lames de fond, deux secousses telluriques ont atteint notre monde :

  • déstructuration de l'espace
  • multiplication des échelles de temps

Déstructuration de l'espace : le terrain de nos activités, qu'on le veuille ou non, perd sa pesanteur locale, son impact national, et bascule sur des espaces vierges de gouvernance. La vision court-termiste des gouvernements locaux ne fait que renforcer cette tendance, car elle érige toujours plus de contraintes et charges sur les territoires historiques, encourageant les jeux économiques sur les nouveaux espaces de liberté. Dans cette dérive (voir à sujet la dérive des continents dans le flot numérique...) il est naïf d'incriminer les seuls gouvernants : l'obscurantisme sur cet enjeu global est largement partagé, et ne laisse émerger aucun espoir de changement de la conscience collective.

Un autre changement tellurique se produit, sur les fondements de nos activités : la technologie était jusqu'à une époque récente calée sur des rythmes lents, déjà habités par des processus traditionnels (formalités, écritures, événements majeurs)... Les avatars technologiques sont maintenant en prise avec tous les types de cycles, "humains" (voir : l'age numérique , s'orienter vécu) ou robotisés, les plus anodins et futiles, les plus intimes de notre biologie, de notre santé, comme de notre environnement.

De ces faits, l'univers des possibles est en expansion, et on n'en perçoit pas les limites : il n'y aura pas de pause de la complexité induite. Cette toile de complexité, dans un processus Darwinien, se tisse sans conscience ou vision adaptée pour organiser, réguler sur les nouveaux territoires spatiaux, réels et virtuels, et tous les espaces temporels. Tout au plus, peut-on prévoir que les meilleures solutions, les plus viables sur l'échiquier global, gagneront.

Un avenir pensé et gouverné avec les schémas du passé


Ces évolutions de fond, même si elles sont perçues dans les discours de salon, ne sont pas traduites dans la conscience collective, qui ne réagit qu'avec les schémas du passé, considérés comme seuls légitimes. Il y a un décalage entre les territoires "révélés" par la technologie, et la conscience collective (voir : la transformation numérique et la conscience des nations) qui reste attachée aux anciens territoires.

De plus, les pratiques, les corporations, les réglementations, jurisprudences, fiscalités ... sont intimement et solidement liés à la fragmentation géopolitique. Les mutations trans-frontières en sont rendues très difficiles, chaque niveau de gouvernance exigeant le respect des acquis, même si la logique historique, qui justifiait les lois locales, est dépassée.

Le débat sur la "fiscalité du numérique" est typique de cette impasse.

Une même horlogerie à tous les niveaux de maille


Dans cette vaste comédie, que nous avons observée volontairement "à distance", le citoyen se sent impuissant, et  les décideurs maladroits se discréditent en voulant préserver des territoires physiques dont le sens s'estompe. Tout au plus sommes-nous acteur local de l'entreprise, d'une association, de sa commune,...

Pourtant il ne devrait pas y avoir d'opposition entre deux mondes, simplement les deux secousses ont des implications à tous les niveaux de maille : du géopolitique, jusqu'aux aspects de la vie les plus intimes, aux processus biologiques. Il va falloir repenser les services traditionnels, les processus, pour leur donner du sens dans cette civilisation, cette économie, cette intimité de plus en plus numérique.

Pourtant, quelles que soient les activités... économiques, industrielles, associatives, intimes, mais aussi celles de notre environnement : climatique, biologique, ... elles se caractérisent selon les mêmes types de "mouvement" : un même principe d'horlogerie meut ses rouages pour réaliser les transformations qui font la vie des civilisations, des sociétés, des organismes biologiques, comme la vie individuelle et intime : des événements, formant des cycles, originaires de multiples étapes de transformation le long de chaînes de valeur.

Prenons par exemple le cas d'une nation :


Les grands cycles d'une Nation


Nous avons déjà évoqué de nombreux exemples tirés du contexte des entreprises (voir la présentation de la Trame Business alias VCCM).


Anticiper à tous les niveaux de maille


Bien sûr les schémas que l'on peut faire, pour modéliser toutes ces transformations coexistantes, tous ces cycles qui s'imbriquent, ces schémas sont réducteurs. Ils découlent d'un modèle universel (voir à ce sujet la modélisation basée sur les chaînes de valeur), qui ne peut prétendre tout représenter par le menu.

Par ce modèle une explication est proposée, qui s'abstrait de détails dont les infinies variations cachent l'architecture d'ensemble.

Le fait que le même type de modèle puisse s'appliquer à tous les niveaux de maille est avantageux, puisqu'il permet d'anticiper à tous ces niveaux de maille : le modèle est fondé sur des invariants, bases des transformations, et qui ne sont remis en cause que dans une échelle de temps plus large.

Exemples d'invariants :


  • Pour une nation : les cycles démographiques, d'immigration, émigration, de l'éducation, de l'enseignement, les cycles de vie des agents économiques, les migrations, les flux matériels et immatériels, la production réglementaire, les événements justifiant les services publics (insécurité, accidents, criminalité, parcours sociaux, pathologies, dépendance), les cycles d'aménagement du territoire, les risques climatiques,...
  • Pour une entreprise : les cycles de R&D, de marketing, de vente, de production, des RH (recrutement, formation, gestion,...), des SI, de développement des réseaux nationaux et internationaux, ...
  • Pour un individu : son parcours éducatif, professionnel, financier, matrimonial, ses cycles d'équipement (logement, véhicule, ...), ses activités sociales, de loisir, son parcours de santé, maturité et vieillissement...

Bien sûr chaque cas est spécifique, et les transformations qui caractérisent sa vie, originales : un modèle unique et stéréotypé n'aurait pas de sens. L'unicité des principes, fondée sur l'existence générale et indubitable de ces invariants, est un fait merveilleux. La pelote de laine de la complexité laisse dépasser ces quelques fils qu'il est loisible de tirer pour analyser, décomposer, fragmenter le sujet. Puis entrer sans ambages dans des études plus fouillées (configuration d'acteurs, organisation, processus, architecture des SI). Un chemin pour analyser la complexité, et, par là, maîtriser son infinie extension.


2 commentaires:

  1. A mon humble avis, l'explosion de la complexité qui nous nimbe tient pour beaucoup à la (re)prééminance de l'humain/de l'individu sur les ordres plus ou moins établis. L'explosion démographique, l'explosion "numérique" concomitante redonne du sens à l'humain (j'ose!) et du poids à l'individu.
    Exit les frontières, les vérités gouvernementales, même les religions du 21eme siecle si chères à Malraux ont du mal a reprendre la main... et je ne mentionne pas les conditions de travail taylorisées qui vacillent sous les coups de boutoir des ONG et l'eclavagisme qui ne résiste pas à la puissance économique d'un état du golfe ou d'une marque à la pomme.
    L'humain, l'individu appartenant au monde vivant, les lois simplistes de l'ingéniérie bien huilée ne s'applique pas. L'écosystème du vivant en permanente ébullition ingère les technologies, les modes de traitement, les réglementations comme autant de sources dopant les énergies et les capacités à bouger.
    Même les invariants me semblent de plus en plus sujets à boulversements drastiques en rupture. Flots de migrants économiques ou climatiques boulversant les sociétés qui les "acceuillent". Cataclisme météorologique qui met a mal la stratégie énergétique d'un pays. Volcan qui cloue au sol les avions et qui demain pourrait nous plonger dans une nuit glaciale. Pandémie virale propagée à la vitesse des avions. Pandémie virale propagée à la vitesse de la lumière sur les réseaux...
    Alors peut être que l'architecture de demain se réduira à son expression la plus simple et en prise direct avec le besoin.... la coquille que chaque escargot porte sur son dos......

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Daniel, le rapport à l'humain change, car la technologie atteint des frontières intimes. Mais elle accélère aussi la concentration mondiale (richesses, pouvoir de quelques multinationales, tyrannie culturelle, ...). C'est mécanique et il est naïf d'y voir des bons et des méchants. Simplement l'économie se transforme et les nations perdent du pouvoir, je ne suis pas sûr que ce soit au seul profit des individus, qui restent bien ballottés ( voire encore plus ...) par ces grandes manœuvres.
      Il y a des cataclysmes, et il y en a eu à certains époques par exemple à la suite d'explosions de volcans géants... Ce sont des événements peu probables, ils existent, certains sont prévisibles et parables.
      Quant à l'écologie, la conscience collective n'est pas au bon niveau, chacun raisonnant comme si c'était un affaire comme une autre, à gérer à la petite semaine, et à confier aux politiques qui ne font que du vent. Les nations sont incapables de se mettre d'accord sur rien, et chacun y va de ses décisions égoïstes dans son coin. Ou se donne bonne conscience en interdisant qui le feux de jardin, ou qui en exploitant à très grande échelle les mines de charbon. La paille et la poutre ?
      L'humain peut-être, mais l'Homme "moderne" n'est pas en phase avec les enjeux, comme si notre civilisation était en décadence.
      C'est pourquoi il faut se battre contre les discours béats de plus en plus lénifiants, reçus comme pain béni en période de dépression : la dépression est en partie structurelle et il ne suffit pas d'interdire les feux de bois ou la cigarette électronique, et de financer les start-up que l'on chasse dès qu'elles sont viables.

      Supprimer