lundi 2 février 2015

Articuler le SI sur les invariants




Un raccourci sur le chemin de l'agilité


Par les temps qui courent, l'Entreprise voudrait évoluer, être agile, pour s'adapter aux défis de la transformation économique.
Ariane, Thésée et le Minotaure (Anne-Lan)

Les systèmes d'information, qui sont de plus en plus au cœur des activités, ont-ils la souplesse requise ? Bien souvent, on déplore leur inertie, des rigidités, une complexité regrettables. Mais on ne peut s'en passer.
L'urbanisme des systèmes d'information, l'Enterprise Architecture, tirent leur légitimité de ce dilemme.
Comment vaincre ce Minotaure de la complexité ?

Il faudrait un pouvoir magique pour nous livrer un SI :
  • à l'avenir infiniment agile, non seulement dans son détail de broderie logiciel, mais surtout dans sa composition d'ensemble, dans sa trame,
  • et respectant un patrimoine applicatif infiniment complexe, impossible à desimbriquer par l'utopie d'un plan raisonné.
A défaut, on se réfugie dans l'épaisseur des méthodes, le salut de la certification, ou, sans vue d'ensemble, l'on plonge dans une spirale de détails.

Comment s'y retrouver dans ce labyrinthe ?

Il existe pourtant une autre voie, un raccourci à notre portée. Cette voie découle d'observations simples.


Des invariants communs à toutes les transformations et toutes les architectures


Reprenons ici le fil d’Ariane maintes fois utilisé : la primauté universelle des événements, et de leurs assemblages en cycles et parcours. Ils sont à l'origine de toutes les formes de transformations, qu'elles soient matérielles, immatérielles, sociales, ... instrumentés par des processus, des SI, et de toutes formes de technologies, des primitives aux connectées,.. Dans leurs concepts, les événements sont invariants.

Ces invariants, à notre modeste échelle de l’Urbanisme des SI, pourront fonder des bases stables. Des bases pour articuler les SI. Et surtout, comme ils sont objectifs et externes au SI, ils ont du sens à tous les niveaux d'architecture : 
  • la "Business Architecture" qui voit le Business comme un assemblage de pièce de Lego, distribuables entre les Entreprises.
  • L’organisation qui structure l'entreprise autour de ses grandes chaînes de valeur,
  • L'architecture des SI, qui assemble les composants applicatifs,
  • l'architecture technique qui offre les divers supports techniques.

Quelques leviers pour réduire la complexité



Quel que soit le périmètre auquel on s'intéresse, il existe quelques leviers objectifs pour réduire la complexité, et l'entropie galopante ici maintes fois décriée.

Ces leviers doivent agir dans l'instant, mais aussi dans la durée pour simplifier, rationaliser le patrimoine applicatif. Ils pourraient porter sur le logiciel, mais celui-ci est protéiforme, et sujet à constantes évolutions. Finalement ce sont les informations qui sont les plus stables. Leurs définitions comme dans leurs traces traversent les époques.

Et surtout, parmi tout le champ sémantique, un noyau dur de concepts fonde la vision du monde objet des transformations :

  • l'identification, les caractéristiques identitaires, des dits "objets" de ce monde (personnes, entreprises, entités, produits, services, projets, gammes, contrats, comptes, portefeuilles, ...) portent sur les informations de référence, et de divers types. On parlera ici de "référentiels de données" (voir les référentiels de données piliers du SI).
  • les cycles de vie, les parcours, et la dynamique opérationnelle qui trace les transformations réalisées ( séquence d'étapes de processus, ordonnancement de systèmes, orchestration de services applicatifs, flux d'échange internes et externes, ...). On parlera ici de "données opérationnelles de référence" (voir à la découverte des puits de données).
Ce noyau dur est très largement standardisé par la réglementation (état civil, droit des sociétés, autorisations de mise sur e marché, sécurités,...) ou par les professions (normes comptables, prudentielles,...). Cette standardisation est en outre prolongée par les propres règles internes de l'entreprise, et contribue à la stabilité de l'édifice conceptuel.

Un noyau dur à effet maléfique ou bénéfique


Par contre, autour de ce noyau dur, que de sources de dysfonctionnements ! ... La mise en commun, la gestion de la qualité des données induites, l'organisation du partage de ce noyau structurant, hérite de l'organisation traditionnelle du patrimoine applicatif en silos cloisonnés, elle même calquée sur les silos de l'entreprise :
  • les "référentiels de donnée" sont souvent éclatés et imbriqués dans plusieurs domaines, par exemple tel ERP encapsule le référentiel et en a la maîtrise,
  • les données de référence se propagent tout azimuts, et dans une variété infinie de latences, de lots, de messages, de formats, et dans des états de qualité tout aussi variables... tissant une toile incommensurable menaçant le système d'embolie.
Ces défauts se diffusent, de proximité en proximité, dans toute l'étendue du SI, par un maléfique effet de levier !

Voilà donc bien les pivots dont nous avons besoin pour inverser cette perversité et placer nos leviers tueurs d'entropie :

Assainir le SI, et propager de la simplicité, éviter que les mêmes informations soient gérées sous une infinie variété de formes, dans des états de leurs cycles de vie non objectivés, non datés, non tracés, ... Bref, mettre de l'ordre dans cette Tour de Babel, à tous les étages, sémantique, fonctionnel, applicatif, et, technique...


Propager la simplicité par des "services focaux"


Le diagnostic est simple, de l'ordre de l'évidence. Le remède serait-il dans la réforme de l'organisation? Dans la méthodologie ? Dans la gouvernance ? Certes, mais cela demandera combien de temps, et combien d'escarmouches ? Qui sera le maître d'ouvrage, envers et contre tous ?

La cause de la saine Gouvernance est belle, mais elle risque d'être balayée par les urgences, et le court-termisme reprendra ses droits.
Une chose est de définir le modèle idéal pour ces données de référence communes, et une autre chose est de faire en sorte que ce modèle entre dans les pratiques.

Certes on peut définir des standards, "sur le papier", par exemple un simple "format pivot". Mais sera-t-il utilisé ? Est-il simple d'emploi, adaptable au contexte, à tous les cas de figure, par exemple pour gérer le synchronisme comme l'asynchronisme, et toutes les latences ?

Une vision fractale de points focaux
Soyons réaliste : Il faut que les décisions prises au fil des évolutions, de façon indépendante, non gouvernée, déconcentrée, aillent dans le sens de la simplification : que toute la complexité des échanges, des interactions soit concentrée sur des services "focaux", des "points focaux". Ces services sont construits pour offrir les données de référence à la "collectivité" des applications, et sous toutes modalités, et toutes mises en forme.

Sans mettre fin aux différents "dialectes" utilisés pour modéliser, interagir, échanger, des points focaux "polyglottes" visent à tuer dans l’œuf la combinatoire infernale de ces divers dialectes.

Cette simplicité, appuyée sur les bons outils conceptuels, et les solutions techniques agiles, réalisées en anticipation, se propagera de façon virale sans nécessairement avoir à être gouvernée. Voilà aussi un précieux morceau de Fil d'Ariane. La technologie de l'intégration de données permet de réaliser à moindre coût des POC (proof of concept) démonstratifs et opérationnels de tels points focaux destructeurs de complexité.

Deux types de composants pour articuler le SI


Dès lors comment s'articule le SI ? Comment lui donner la flexibilité attendue ? Comment le faire, non seulement sur le périmètre de l'entreprise, mais aussi sur celui de l'ensemble de l'écosystème ?

Très clairement les données de référence, dont nous avons vu la stabilité, sont les bases, les charnières, les piliers, ... avec, pour organiser la flexibilité globale, deux types de composants :

  • les piliers du SI, qui chacun dans son domaine sémantique, sont uniques et non substituables,
  • les SI spécialisés (en GRC, GRH, Comptabilité, production métier, ...) qui sont substituables, et peuvent être multiples dans l'écosystème ( plusieurs ERP, plusieurs solutions métier, ...)
Tout simplement la standardisation conceptuelle des piliers qui assure la flexibilité de l'ensemble, les autres composants du SI pouvant s'assembler autour de ces plateformes comme pièces d'un Lego.

Quant à l'habillage de ces piliers en points focaux polyglottes, il garantit la migration en souplesse au travers de tous les avatars technologiques ( le batch, l'EDI, l'ESB, les API, ...et le monde NoSql).

Et l'infini détail de la broderie logicielle pourra-t-il s'insérer dans un plan d'ensemble adaptable à toutes les stratégies, puisqu'il respecte les fondements mêmes des transformations aux quelles le SI contribue. Sur le périmètre de l’entreprise, et, au delà, celui de son écosystème, traditionnel ou numérique.

C'est cela, articuler le SI sur les invariants.
Uranie (Anne Lan)