samedi 20 décembre 2014

Quelle rupture de vision du monde numérique ?



Le monde numérique se dessine à forte allure. Doit-on le voir, l'analyser avec notre prisme habituel ?

Ou faut-il une rupture dans notre vision ?

Le monde traditionnel est complexe. Avec la numérisation, il se complexifie.

Comprendre le monde tel qu'il est, c'est aussi  comprendre d'où il vient, et, dans une certaine mesure, comprendre où il va.

Cela dépasse-t-il notre entendement, alors que nous sommes dotés de milliards de neurones interconnectés dans une toile infinie de synapses.

Synapses

Une évidence obscure


Comprendre le monde tel qu'il est, j'ai ici proposé un prisme d'analyse pour expliquer le fonctionnement des systèmes d'information, et, au delà de toutes les transformations réalisées par les systèmes vivants. Et la simplicité de quelques bases immuables : les événements, de diverses natures, qui s'associent en cycles et parcours. Ces événements sont premiers à toute culture, toute transformation, tout processus, tout système d'information.

Cette vision simple, voire simpliste, se veut décapante, car elle éclaire les fondements, et ignore les péripéties dues à l'histoire, aux configurations économiques, à l'optimisation des processus, aux procédures. Par exemple le développement technologique, et les objets connectés, permettent maintenant d'accéder au vivant, à l'intimité individuelle, alors que celle-ci a toujours existé. La révolution numérique porte sur cette intimité technologique.

Pourtant notre culture nous met le nez sur l'outil, sur la méthode (voir par exemple), sur le moyen, plutôt que sur le résultat. Pourtant, s'il y a un résultat, c'est qu'à l'origine existe un événement initiateur, engageant une exigence, une opportunité, de transformation. C'est une dynamique universelle, en somme, une évidence dont on trouve sur ce site de nombreuses illustrations.

Curieusement, l'immense majorité des visions proposées par les méthodes de tous types, que ce soit pour modéliser l'entreprise, les processus, les SI, se base sur des visions statiques qui ignorent cette évidence et cette dynamique.

L'explication est simple : l'entreprise, surtout dans le monde de la gestion, fonctionnait déconnectée  des événements de la vraie vie : pour optimiser ses process, elle créait des attentes de commande, et tous les systèmes business comme administratifs vivaient aussi dans un mode asynchrone, finalement assez confortable pour tous. Aujourd'hui ces rythmes, hérités des flux "papier" déclaratifs ou formalisés (bulletin de paie, déclaration d'impôts, bons de commande, ...), des guichets physiques, perdurent fortement.

Car la société elle-même n'est pas malléable :
  • les processus des uns et des autres sont imbriqués dans des étreintes difficilement réversibles,
  • toute réforme risque des créer des perdants, lésés, précarisés, placés en concurrence, ... et occultant le coté positif du changement.
Alors l'évidence, ignorée, invisible, parait obscure.


Une rupture de vision


Pourtant, il y a des signaux faibles pour une rupture de vision : le fonctionnement du monde, en dehors de toute évaluation morale, mercantile, ou idéologique, fonctionnement toujours plus follement complexe, doit être vu autrement.

En somme, l'analyse par les événements, et les cycles, introduit, d'entrée de jeu, de la simplicité.

Par exemple, dans le champ certes limité, mais tellement complexe, des systèmes d'information, la démarche d'analyse aboutit, en peu de détours, aux composants structurants, figures de style incontournables, que sont :
  • les référentiels de données, qui marquent les grands dimensions immuables, les piliers, du SI de l'entreprise, et, plus globalement, de son écosystème. Ils sont clés pour associer les différents cycles, sont ciment de la cohérence. Par exemple le référentiel des employés fédère tous les cycles des RH, ceux du recrutement, de la formation, de la gestion administrative, mais aussi les cycles productifs qui emploient le personnel,
  • les puits de données, qui sont aussi des piliers, faisant le lien entre des référentiels, dans un asservissement de très forte pérennité. Ainsi l'affectation des employés aux services de l'entreprise fait-il le lien entre le référentiel des RH et celui des structures.

Mais ce qui vaut pour les SI s'applique aussi sur les autres territoires de transformations, peu lisibles car eux-aussi complexes et de dimensions incommensurables : les activités écologiques, économiques, sociales, culturelles, ...

La confusion entre deux complexités


Les arbres cachent la forêt, et, pour appréhender les systèmes, il y a confusion entre 2 complexités :
  • la complexité "cumulative", artificielle, due à l'empilement de pratiques, de solutions, de comportements, de processus, de SI devenus obsolète car inadapté aux potentiels du monde numérique. L'urbanisme des SI est un exemple de lutte contre l'embolie qui guette un patrimoine devenu archaïque, et imbriqué par empilement opportuniste. Cette complexité du développement en récif de corail, ne se cantonne pas seulement aux SI, il règne aussi au sein des organisations, des corporations, des États. Le SI a ses méthodes de développement "agile", en regard, les organisations ne sont agiles que dans des cas extrêmes de mobilisation autour d'un consensus, époque dont nous sommes très éloignés... Cette complexité, par accroissement de l'entropie, est involontaire, mais elle freine le développement. Elle est "négative" et exige, pour la limiter, une lutte de tous les instants, et, bien sûr une vision dépassant la mêlée. 
  • une complexité "positive", plus fondamentale, due à la constante sophistication de nos outils technologiques, culturels, sociaux, qui ont fait émergé des tours de Babel de réglementation, des chapelles de tous types, des métiers, des corporations et expertises, ... Cette complexité  "positive" sous-tend le "progrès" : dés lors que l'homme a créé un outil, il a fallu qu'il le maîtrise ! et de nouveaux cycles d'événements sont apparus : la fabrication, l'entretien, ... Accepter l'outil, est accepter sa complexité : de conception, de fabrication, comme celle d'usage. Autant de cycles différents à objectiver.

Entre obscurantisme et espoir d'un monde meilleur


La complexité globale,  dépasse la simple somme de ces complexités élémentaires, car elle est combinatoire. Supposons un instant que, par une baguette magique, nous puissions tout changer dans l'instant, qu'il n'y ait aucune résistance, aucune rente à préserver, aucun privilège de culture, de statut, de droit, ... et que le logiciel soit créé en claquant des doigts, et les utilisateurs ou clients rompus à son usage... Il demeurerait une complexité positive globale, due à l'assemblage, dans des combinaisons infinies, de ces cycles de vie, de ces parcours de tous nos êtres, de tous nos objets, qu'ils soient matériels, immatériels, conceptuels, culturels, réglementaires, sociétaux,... dans cet assemblage, et avec les technologies de l'intimité, tout reste à inventer !

Le pessimiste, malgré tout ce qui est dit sur les merveilles du monde numérique, et le foisonnement de technologies et initiatives, pensera que le facteur négatif domine le changement ! Si la complexité négative, par obscurantisme, conservatisme, repli sur le passé, courte vue, esprit de clocher, s'enflait encore, ne connaissant pas naturellement de limites ...., le système dériverait-t-il au point qu'il ne soit plus viable ?

Crise, rupture, enclencherait un cycle plus global. De remise en cause, en table rase, une nouvelle histoire commencerait alors.

L'optimiste espère que l’émergence des technologies de l'intimité, dans un monde globalisé et dynamisé, fera pencher la balance dans la clarté d'un monde meilleur !

Et, dans cet océan d'incertitudes, la maîtrise de la complexité, qu'elle soit "positive" ou "cumulative", sera un défi à relever.

Oui, il nous faut une rupture de vision, pour revisiter les territoires de ce monde virtuel.

lundi 29 septembre 2014

Les "fondamentaux" de la "Trame Business"

Un topo sur les Business et le SI, fait à la Sorbonne le 24/9/2014 résume l'essentiel des bases de la "Trame Business" (alias VCCM), avec quelques exemples pour illustrer l'application de ces concepts.

Un exercice de concision, sur une voie étroite, hors de toute discipline. Mais aussi un exercice de passion pour visiter le présent et le futur, et y trouver, au travers des situations les plus variées, de troublantes similitudes.

Et, finalement, un discours étrange, car il ne soulève pas d'échos. Faudrait-il le complexifier ? lui donner un caractère formel, avec un meta-modèle, voire une formulation mathématique ? Ce serait faisable et l'architecture conceptuelle s'y prêterait...

Mais à quoi bon ? Ce serait naïf de croire à l'utilité d'une formalisation ésotérique, qui ne ferait que renforcer l'absurdité du propos. On ne peut prétendre à une telle généricité d'un modèle sans mégalomanie, et, quelque part, cette théorie est un leurre.

Pourtant, personnellement j'aimerais bien comprendre en quoi ces bases sont fausses, et non avenues.

Le mystère est double :

  • Pourquoi une telle portée du modèle ?
  • Pourquoi l'incompréhension ?
Et si, tout simplement, ceci expliquerait cela ? L'universalité soulèverait le scepticisme et le classement sans suite ? Je peux passer pour un illuminé ou un farfelu, mais je reste convaincu d'être dans le vrai. A vous de juger.

On trouve sur SlideShare copie de la présentation

dimanche 29 juin 2014

Au cœur de la Transformation Numérique : les cycles opérants



Le Polygone de la Valeur
Dans notre précédent message sur la transformation numérique, nous avons suggéré de fonder l'analyse de cette transformation sur celle des principales chaînes de valeur. Celles-ci sont directement liées aux cycles et parcours aux "frontières" ou "fronts" (selon la terminologie métaphorique utilisée ici) :
  • le front opérant,
  • le front d'installation et d'appropriation,
  • le front produit-service,
  • le front client,
  • le front de mise sur le marché et en distribution,
  • le front des ressources.
Nous avons symbolisé ce territoire, balisé par ces cycles, sous la forme d'un polygone. Le terme de "Polygone de la Valeur" parait le plus adéquat.

La chaîne de valeur opérante, nerf de la guerre numérique


Dans la lignée de cette analyse, considérons d'abord la chaîne de valeur opérante. De quoi s'agit-il ?

Dans toute activité de transformation, qu'elles soient humaines, outillées, mécanisées, virtuelles, ..., on constate qu'existent plusieurs cycles fondamentaux, avec un cycle vraiment "primaire", qui réalise le cœur de la transformation. C'est le cycle "opérant", celui qui "moud le grain".

Par exemple, dans différents contextes, il s'agit :
  • de fabriquer les pièces dans une usine de transformation mécanique,
  • de réaliser le "craquage" en pétrochimie,
  • de soigner le patient dans un hôpital,
  • d'exécuter les mouvements de fonds entre clients des banques,
  • de transporter le voyageur,
  • de réaliser un projet pour un bureau d'études,
  • de produire une réglementation pour une administration centrale,...

On raisonne, pour caractériser cette transformation opérante, en "unité d'oeuvre" caractéristique : la pièce, la transaction, le voyage, le projet, ... Chaque profession, chaque opérateur, qu'il soit public, associatif, marchand, a défini son standard d'opérations typiques et répétitives. Et, au delà de la sphère des activités humaines, le monde des automates des plus simples (machine à laver, frigo, ...) au plus complexes (mobiles, robots, ...) fonctionne par cycles opérants.
Voilà bien une évidence ! mais, à notre époque de "révolution numérique", il est utile de s'y référer avant tout discours sur l'enchantement du client, sur le "smart qqch", sur l'excellence franco-française.

Sans cycle opérant, le monde est immobile et rien ne se passe. Aucun business, aucun service, nul projet... La chaîne de valeur opérante est la chaîne primaire, la base et le nerf de la guerre : elle fabrique le produit, son originalité, sa qualité, son coût, son adéquation, elle apporte le service, ses composantes objectives, mais aussi sa subjectivité, et les petits riens qui le rendent sympathique, ou a contrario horripilant...

C'est le nerf de la guerre numérique, car la digitalisation impacte au premier chef la chaîne de valeur opérante. Avec tous les aspects enthousiasmants de la nouveauté, de la gratuité, de l'efficacité, de l’instantanéité, l'ubiquité, comme les menaces d'atteinte à la personne, sans parler des bêtifiants travers narcissiques, insignifiants et futiles.

Quels impacts sur la chaîne opérante


Ceci dit, quels sont les impacts de la digitalisation sur cette chaîne opérante ?
Il y a bien sûr les conséquences économiques, sociales que de telles évolutions déstructurantes provoquent quand elles se produisent dans un contexte juridique, réglementaire, fiscal, hérité du passé, et inadapté à un terrain de jeu de plus en plus apatride. Nous avons évoqué ceci dans le message sur la "dérive des continents".
Mais raisonnons en premier lieu en abstraction de l’implémentation de cette chaîne en configurations nationales, économiques, sociales ou organisationnelles : Analyser l'impact individuel, avant de se donner la vision macroscopique.

Dans notre précédent message nous avons proposé un spectre d'analyse pour cet impact :
  • les possibilités de nouvelles connexions (objets connectés, domotique, ...),
  • les nouveaux segments de valeur par saut de frontière,
  • la résonance par les réseaux sociaux,
  • le développement d'applications pour mobiles-embarquées,
  • l'hybridation (canaux, données classiques-Big Data, Open Data),
  • les nouvelles plateformes Big Data (galaxie Hadoop),
  • et les analytics (data science).

Les nouvelles connexions


Les nouvelles connexions sont par nature en prise avec la vraie vie, et de ses cycles et événements. Le monde objet qui nous entoure devient connecté : vêtements, véhicules, habitation, équipements divers et variés, chaussées, ...Jules Verne serait en syncope. Toutes ces connexions révèlent de cycles opérants pré-existants, désormais accessible à "l'intelligence", encore une fois pour le meilleur comme pour le pire.
Car au travers de la création de ces connexions, il y a une motivation, de la plus noble pour sauver des vies, à la mercantile, voire à celles qui sont mal-intentionnées ou masquées.
Le premier maillon de la chaîne de valeur sera de gérer ces connexions, dans l'instant et la proximité, avec l'acquisition des informations et le monitoring opérationnel. Dans la plupart des cas un maillon de chaîne de valeur "numérique" apparaît :
  • souvent se substituant à un maillon traditionnel : le compteur "intelligent" évite les tournées de relevé de compteurs...
  • mais aussi révélant une vie de l'objet, de la personne, jusqu'à présent inaccessible au traitement des informations.
Cette nouvelle intimité multiplie les opportunités et menaces dans des usages innovants, et des domaines que l'on ne fait à présent qu'entrevoir (santé, smart-city, sécurité, ...).
En effet la variété de ces connexions émerge, laissant libre cours à l'imagination et la créativité. En définissant les principes de la Trame Business, avec les Cycles et Parcours, fondés sur l'analyse des événements, à l'aube de ce siècle, je ne pensais pas que cette vision aurait un terrain d'application aussi flagrant. Vision prémonitoire et durable qui n'a pas été comprise, les professions se polarisant sur des approches de projets "classiques" autour de processus à décrire, de SI à cartographier, de cibles ignorant les faits et événements. Bref, à présent, il est enfin clair que l'événement est le concept le plus fondateur. Les méthodologies classiques, fières de leur domination, et trop alambiquées (voir l'architecture des confusions), auront de la peine à coller à cette réalité éclatante.
Le monde devenant connecté, inutile de concevoir des systèmes architecturés autour de processus, et d'échanges : placer au centre de la conception l'événement et les informations qu'il apporte, rien de plus simple. Mais revenons à nos cycles opérants.

Les sauts de frontière : la guerre de l'intimité


Nouveaux maillons de chaîne de valeur signifie, dans notre terminologie, de "nouvelles frontières" ou des nouveaux services pourront être proposés. Ce sont autant d'opportunités pour les agents économiques, quels qu'ils soient.
La plupart des événements pouvant ainsi être appréhendés : pathologies, hobbies, événements familiaux, ... événements propres aux objets connectés : mises en service, pannes, usages, ...n'ont pas déclinaison géographique, nationale, culturelle : autant dire qu'autant d'opportunités de monopole naturel mondial s'ouvrent dès l'apparition de chaque type de connexion. Sur ce terrain de jeu, les entrepreneurs sont favorisés par leur environnement d'écosystème, l'agilité fiscale et sociale, le terreau de savoir-faire : ils pourront rapidement envahir un "océan bleu"n en ciblant une famille de connexions, et devenir leader, voire standard de fait.

Certes la dimension géographique locale, les particularités réglementaires des pays limitent, au moins au début du développement économique des acteurs, le marché. Cependant la globalisation s'impose, à un terme plus ou moins rapproché.
Quelles seront les "majors" de l'avenir, sur ces frontières de la connexion et de l'intimité ? Pour les voitures connectées, les constructeurs automobiles sont sur les rangs, mais sauront-ils faire le pas à temps pour s'imposer sur un marché de services globalisé, et détaché des particularismes historiques des industriels du secteur ? Les GAFA sont à l’affût, et peut-être un jour, devenues matures, laisseront-elles passer les opportunités au profit de brillantes start-up ?

Un processus darwinien de transformation de l'économie se joue donc sur ces franges de ce nouveau Far-Ouest. La guerre des frontières aura lieu. Ce sera une guerre de l'intimité : les gagnants auront fait feu de toutes leurs séductions, en mobilisant toutes les dimensions de la valeur (voir le polymorphisme de la valeur).
Frédéric Bastiat (1801-1850)
Et si la valeur "argent" résulte d'un échange (lire et relire Bastiat..."La valeur, c'est le rapport de deux services échangés"), la valeur "sentiment" est, elle aussi, échange. Le sourire est clé, pour accompagner la fonction ou le service, les conquérants de l'intimité sauront mobiliser l'affect.

Les réseaux sociaux et la mobilité : l'hyper-connexion


Justement, les réseaux sociaux flattent l'affect. Ils résonnent dès à présent d'une multitude d'événements relatés par leurs utilisateurs. Ils sont déjà nourris de l'intimité, de la conscience de groupe. Bruits, bruissements, qui sont bien en amont des formalisations traditionnelles : déclarations, enquêtes, formalités, ... L'exploitation de ces sources émerge, mais elle deviendra un standard, une commodité, pour tous les opérateurs, qu'ils soient publics, associatifs ou marchands. Avec l'apparition des sources connectées, une hybridation de tous ces flux devient naturelle, et le narcissisme ambiant ne fera que conforter l'hyper-connexion.

L'accroissement du débit des réseaux est captée par l'invasion des supports videos, bouleversant territoires et cultures. Quelle sera la prime à la rareté, la différence, la qualité ? Quels rejets des multiples intrusions marquetées et prégnantes... Il faudra trouver les chemins de l'utilité, et de l'accomplissement, dans la jungle de l'hyper-connexion.

La mobilité, mixée à toutes les variantes de support, corollaire de ce monde "branché", devient un "état second" naturel, ringardisant les lucanes traditionnelles de l'informatique, fussent-elles portables. Changement des pratiques et, là encore, opportunité de rupture d'intimité.

L'intégration des chaînes de valeur


La guerre de l'intimité sera une guerre de frontière et de mouvement. Mais, plus au fond de la chaîne de valeur, des enjeux d'intégration apparaissent.
Chaque événement a du sens, chaque cycle, parcours a du sens. Mais une vision transverse de plusieurs événements ou cycles aura aussi du sens : intégrer tous les divers événements des objets connectés à domicile, tous les événements d'un parcours multimodal, que sais-je encore ... l'infinie variété des événements se combinera face à l'infinie variété des situations, des problématiques, des urgences, impératifs, et futilités. Déjà, de multiples possibilités d'intégration applicatives sont offertes par les petites merveilles électroniques "mobiles", smartphones et tablettes. Et, bien au delà, tout l'arsenal technologique des SI peut être mobilisé pour capitaliser, analyser, concevoir, monitorer... bref activer une intelligence transverse aux intimités.

Les métiers traditionnels des grandes structures sont des foyers d'intégration : le cas des aéroports a été la première application des principes d'intégration mis en avant par la Trame Business (voir à ce sujet une description des niveaux de la chaîne de valeur, contemporaine de mon ouvrage sur La Stratégie Business et les SI).

Les niveaux de Valeur dans la modélisation "Trame Business"

Voilà qui n'est pas nouveau, mais prend une autre amplitude, bien que, conceptuellement, les bases soient les mêmes : qu'un parcours soit physique ou virtuel, la modélisation se décline à l'identique.

Ainsi, pour conclure ce message sur la chaîne de valeur opérante, la révolution en cours va rebattre les cartes :

  • à la fois pour la proximité, l'intimité dans un monde hyper-connecté,
  • mais aussi, au travers de ce tsunami de messages, donner du sens transverse, intégrer ces faits en une vision plus globale.

Ce sont là les foyers, les gisements de développement de la future économie, baptisée iconomie.

Il s'agit bel et bien d'un nouveau monde, souvent planétaire, faiblement ou peu réglementé, où tout est encore possible.
A suivre...

dimanche 1 juin 2014

La révolution numérique sur tous les fronts




La transformation numérique, baptisée de nouvelle révolution de nos sociétés, est multiforme.

Nous en sommes alertés par de nombreux propos au sujet :
  • des relations commerciales et des achats, où le parcours client est devenu "digital"
  • de la transformation des entreprises qui deviennent "numériques"
  • des administrations qui sont dotées d'un "chef data officer"
  • de l'innovation avec la co-création de valeur, le "crowd-sourcing"
  • de la mobilité devenant l'interface dominant
  • des objets connectés qui généreront un trafic colossal, dont on ne sait mesurer la magnitude
  • des réseaux sociaux de plus en plus prégnants,...
Les fondements de notre culture seront-ils remis en cause. L'ordre sera-t-il bousculé par un nouvel assemblage de nos activités de plus en plus connectées et digitalisées.

Probablement. Pourtant ce bouillonnement n'est pas si désordonné : la révolution numérique se produit sur différents fronts, et il est assez simple d'en visualiser les mouvements, les grandes lignes de clivage.

En effet, comme nous l'avons ici constaté à de multiples occasions, les activités humaines, les opérations économiques, et, plus finement le monde biologique, vivent par des transformations qui s'enchaînent à l'infini.

Que ces transformations soient matérielles, immatérielles, intellectuelles, sociales, économiques, écologiques, biologiques... il s'agit toujours de la même histoire : 

  • au début existe un événement, qui motive la transformation, et concerne un objet, un individu, un groupe, une entité, un espace, un concept...
  • la transformation est réalisée par un opérateur économique, par une personne, par un groupe social, par des réactions chimiques... une multitude de cas sont observables : transformation par des bactéries (fermentation, digestion, ...), par une chaîne de fabrication (production industrielle), par l'artisan, le bureau d'études (projet technique), le service informatique (développement applicatif), le service législatif (projet réglementaire), l'enseignant (formation)...
  • cette transformation s’organise en strates successives combinant des chaînes de valeur où les individus, organismes ou autres acteurs se répartissent les rôles, et la spécialisation sur des segments de valeur (alias transformations élémentaires)
  • chaque événement est lui-même partie d'un jeu d'événements (cycles, parcours, séries stochastiques,...) activant et motivant autant de transformations diverses et variées, adaptées à chacun
  • de sorte que cet ensemble, certes souvent complexe, peut être perçu comme un tout dans sa sémantique, ses temps de cycles et biorythmes, ses acteurs, ses entrants et ses résultats : un univers de transformation.

Bref, ce modèle peut prendre de nombreuses formes, la Trame Business (publiée dans mon livre sur la stratégie business et les systèmes d'information) est une proposition pour une représentation générique, initialement appliquée au cas des systèmes d'information, mais transposable bien au delà.

Mais qu'importe le modèle, faisons en abstraction, et si l'on ignore le détail de toutes ces usines à transformer (l'économie, l'entreprise, le milieu social, le biotope, les flux financiers, l'usine, les processus, les systèmes d'information...) que reste-t-il ? Tout simplement des événements initiateurs, et des résultats.

Bien sûr, si nous combinons toutes les transformations, tous les univers, la complexité est colossale.
Combinatoire de toutes les transformations
Mais si nous ne retenons que les cycles majeurs, qui formalisent comme nous l'avons vu, des frontières, la représentation est simple, et le nombre de paramètres est réduit quand nous ignorons tout le détail des configurations de chaînes de valeur qui opèrent les transformations : configurations économiques, géopolitiques, organisationnelles, sociales, écologiques, ...

Un schéma simple pour restituer cette réalité éternelle prend la forme d'un polygone. Nous en avons donné plusieurs exemples (notion de frontière, saut de frontière, transformation numérique ).

Revenons maintenant à "nos moutons" : pour tout un chacun, la révolution numérique va impacter plusieurs facettes du polygone, qui sont autant de "fronts" où il va se passer des évolutions, des remises en cause et des opportunités. Faute de focaliser sur ces fronts, le mouvement de numérisation n'est vu, par illusion d'optique, que comme une juxtaposition désordonnée.

Bien sûr, tout dépend du cas particulier, c'est à dire ici, du polygone que l'on analyse : il signe une activité originale, par exemple un type d'activité économique. Justement l'impact économique de la révolution numérique est un vaste sujet, qui implique et accompagne l'évolution des entreprises elles-mêmes vers cette société numérique et connectée.

La carte du tendre de cette société, fondée sur le dit polygone, nous offre un guide de visite.
Nous pourrons mener cette visite, front par front, au fil des messages de ce blog.


Listons les fronts majeurs, où il se passe quelque chose, et que nous allons pouvoir étudier pas à pas :

  • le front opérant, celui qui symbolise le cycle central de la transformation, avec son biorythme caractéristique, par exemple : le parcours de soin dans l'hôpital, celui du passager, de l'avion, le cycle de vie de l'individu, mais aussi les étapes d'une formation, d'un concours, d'un projet, ... C'est le front où se joue la finalité : le service rendu, le produit utilisé, le malade soigné, ...
  • le front d'installation et d'appropriation qui vit au rythme de la livraison, de l'apprentissage, de l'intégration du produit ou du service au contexte opérant,
  • le front produit-service qui voit se créer cet objet, ou ce concept, ce service, et son évolution avec un cycle qui lui est propre et conditionné par de nombreux paramètres : marchés, réglementation, technologie, ...
  • le front client, qui symbolise le parcours d'achat, depuis la recherche jusqu'à la conclusion de la vente et sa mise en oeuvre. Dans plusieurs cas le client est directement concerné par l'opération (transport, soins, ...), mais le distinguo, entre opérant et client, est impérativement à faire,
  • le front de mise sur le marché et en distribution, qui retrace la vie du marketing, du réseau de distribution, des canaux commerciaux ou de diffusion,
  • le front des ressources (RH, énergie, matières, finances, IT, ...) avec leurs cycles diversifiés. 
Ce sont là autant d'axes d'analyse. En réalité, la transformation numérique impacte ces aspects de façon différente. Ceci justifie, nous le verrons, ces distinctions qui peuvent paraître subtiles, parfois arbitraires. Notre propos est donc d'utiliser cette géométrie, plutôt qu'une approche économique, technologique, sociétale, pour comprendre, analyser et finalement structurer l'action, anticiper.

Avant de reprendre, dans de prochains messages sur ce site, l'analyse selon ces axes, nous proposons au lecteur une piste de réflexion à l'aide du tableau ci-joint. Il s'agit en effet de caractériser, pour chaque axe d'analyse, en quoi il est concerné par la révolution numérique.

Les lignes de ce tableau sont organisées selon la chaîne de valeur type de la contribution numérique:

  • les possibilités de nouvelles connexions (objets connectés, domotique, ...),
  • les nouveaux segments de valeur par saut de frontière,
  • la résonance par les réseaux sociaux,
  • le développement d'applications pour mobiles-embarquées,
  • l'hybridation (canaux, données classiques-Big Data, Open Data),
  • les nouvelles plateformes Big Data (galaxie Hadoop)
  • Invasion numérique des chaînes de valeur
  • et les analytics (data science).
Nous pourrons ainsi mieux comprendre l'invasion numérique au cœur des chaînes de valeur typiques des activités.

Car, selon les axes, l'impact peut être fondamentalement différent : simple transfert de charge vers la ressource numérique, ou, à l’extrême, changement complet de paradigme.





mardi 13 mai 2014

Big Data, révolution de l'accès au vivant



Un déluge signifiant ou insignifiant


On nous dit que nous sommes à l'aube d'une "révolution industrielle", avec le déluge numérique et ses dimensions mirobolantes, qui dépasseraient en volume les connaissances patiemment accumulées au cours des siècles, voire depuis l'origine de l'humanité ...

Certes, tout individu, avec ses tablettes et mobiles, avec son véhicule et toutes sortes d'objets immobiles et mobiles, est "connecté", et le sera de plus en plus. Etre connecté devient une respiration, un oxygène gratuit et naturel, une commodité qui s'est faite oublier,... bref un bien public, désormais un droit, apporté par la bienveillante "fée connexion", comme le fut la "fée électricité", en son temps imagée par Raoul Dufy.
La fée électricité par Dufy Musée d'Art Moderne Paris

La rupture, la révolution, si révolution il y a là, est-elle dans ces mirifiques volumes de données dont on mesure l'incommensurable par zettaoctets, yottaoctets ?

Hélas, ces données ne sont que traces, images éphémères de nos activités et des rythmes qui nous entourent. On pourrait aussi, dans une introspection folle, modéliser les déluges de données internes à chaque individu, car nos 100 milliards de neurones, les 100 000 synapses qui sont tissées en moyenne par neurone, sont le siège de flux d'informations vitaux, à tout instant, et nous n'en avons conscience que d'une infime part . Un simple bourdon, doté seulement d'un million de neurones, sait, pour optimiser son butinage, résoudre l'ardu problème du voyageur de commerce. Le monde vivant bouillonne de données ignorées et pourtant vitales.

La fée connexion nous révèle ces futilités : la belle affaire ... le volume est gigantesque mais la signification faible, plus nous émettons de traces, moins chacune a de sens.

Admettons un instant que ce volume soit "infini" (souvenons-nous de nos raisonnements mathématiques ...), notre vie en serait-elle changée ?

Quel est le signifiant, quel est l'insignifiant ?

Certes, dans cette dilution, on trouve du sens, la respiration connectée prouve son utilité, et sa pratique peut être salutaire. Mais le discours sur le gigantisme est un mirage, il nous leurre sur le véritable changement, lequel est d'un bien autre ordre, et ne se réduit à cette comptabilité vaniteuse. La vraie rupture est dans la découverte d'un nouveau monde, l'apparition de nouveaux territoires de connaissance, de "nouvelles frontières" de perception (voir ici ce que l'on entend par "frontière").

Les nouvelles frontières de perception


Nous avons inlassablement ici insisté, sur ce site, sur la primauté des événements et de leur organisation en cycles et parcours. Tous les mondes matériels et immatériels existent par leurs  perpétuels mouvements, où ils se transforment, opèrent, créent, régénèrent, en horlogerie de cycles complexe.

Papyrus de E. Smith Nouvel Empire Egypte XVIIe siècle avant J. C.
En réalité, jusqu'à une époque récente, chacun avait une connaissance directe de ces mouvements, immédiate, réduite à son proche environnement, à ses propres perceptions. indigence de supports matériels figés : prospectus, formulaires, bulletins, billets ... attachés à l'artifice de cycles lents et formels : paye, inscription, déclarations, souscription, ... pales et lointains reflets de la vraie vie.
Et les organisations, pour vendre, lever l'impôt, transporter, éduquer, devaient s'en remettre, au delà des cercles de présence, à l'artifice de ces supports hérités du papyrus.

Pourtant, bien en amont de ces cycles formels réducteurs, de leurs processus de prise en compte, des systèmes d'information induits, existent des événements bien réels, en quelque sorte "éternels" dans leur nature, et qui caractérisent les multiples cycles de vies : humains, organiques, biologiques, économiques, écologiques, matériels (transport, fabrication, ...) et immatériels (réglementation, brevets, sciences, éducation, ...). Ces cycles de vie préexistent à la technologie de l'information et à ses divers avatars  : l'homme a couru par nécessité, pour se défendre, chasser, s’enfuir, ... devenu oisif et sédentaire, il court maintenant pour sa forme, il est connecté, voit sa trace, analyse sa performance, bref il est en prise avec sa course, mais, au fond, ne fait que courir. Maintenant, à tout propos, on peut géolocaliser et suivre des traces. L'automate, l'application, le réseau social, accèdent à une intimité (voir par exemple ici sur l'intimité numérique) jusqu'à présent hors de portée.

L'immense majorité des systèmes d'information étaient ainsi nourris à des rythmes artificiels et décalés, ignorant les événements générateurs, et n'enregistrant que des faits induits, formels :
  • le banquier ne fait qu'opérer des mouvements de fonds, fournir des moyens de paiement, accorder des prêts, ...qui ne sont bien sûr que conséquences de décisions de consommation, de choix d'investissement, d'activité productive, de loisirs, d’aléas de la vie, ...
  • le commerçant, s'il a le contact "humain", est informé sur les motivations individuelles, mais ses processus de vente, de logistique, de référencement sont aveugles des vrais ressorts individuels, se repliant sur une connaissance statistique, sur des modèles globaux, pour anticiper la demande et limiter surplus et ruptures de stock.
  • le soignant, sauf en cas d'extrémité, ignore l'intimité des cycles biologiques, les flux et reflux hormonaux, les quotidiennes absorptions de médicaments, leurs aléas ... et tous les facteurs qui déterminent l'équilibre homéostatique. Et pourtant, à terme, des puces intelligentes pourront être implantées pour suivre et monitorer ces biorythmes qui sont fondements des organismes vivants.

La connexion généralisée, qui se met en place dans tous nos azimuts, réels et virtuels, crée de nombreuses "nouvelles frontières", et l'opportunité de "transformations" jusqu'à présent inimaginables. Ces sauts de frontière apportent aussi, ce serait naïf de l'ignorer, leurs lots de menaces. Car les "marges territoriales", ces nouveaux espaces virtuels, émergents, ne sont pas régulés, et cette jungle est le royaume des innovants comme des brigands. Il ne sert à rien d'être chagrin, menaces et opportunités vont de paire : bien des métiers, bien des relations sont fondamentalement remis en cause par l'accès direct à l'événement initiateur, cela devient la règle. Nous avons déjà expliqué le coté implacable de cette dérive (cf la dérive des continents dans le flot numérique).

Cette connexion tout azimuts, en somme technologique, s'enfle d'une caisse de résonance : la connexion "sociale", qui exploite les besoins de communication entre les individus et les groupes. Les réseaux sociaux sont ces espaces de résonance, et le monde connecté vient y déposer sa petite musique. Le connecté physique rencontre le connecté social, pour le plus futile, mais aussi le plus utile, le pratique, et les magies de la "fée connexion".

Le déluge illustré à Saint-Marc Venise
Il faut donc remettre les idées en ordre, et la musique dans son tempo : les nouvelles frontières, par la perception connectée, donnent le rythme, et l'opportunité d'adhérer à la vraie vie, de créer de nouvelles chaînes de valeur pour les transformations induites, bien en amont des territoires "fonctionnels" connus des SI actuels. La volumétrie des "Big Data" n'est que conséquence de toutes ces nouvelles intimités, qui convergent avec les intimités sociales, révélées et enflées par les réseaux sociaux, dans un déluge de bavardage mondial.

Où l'on reparle de données


Ceci dit, pour percevoir, avoir l'intelligence de ce qui se passe sur ces frontières, interpréter les signaux disponibles sur ces marges comme dans les réseaux, nous voilà bien confrontés aux données !

Comment les prendre en compte ? On a beau dire que ces données ne sont pas structurées, qu'elles sont diluées, ... Du fait même qu'elles existent, elles sont formelles ! Certes, les réseaux sociaux sont des sources dont la syntaxe est variée, mais exploitable. De plus les mobiles et objets connectés structurent très fortement le message, c'est une nécessité technique.

En réalité, il faudrait parler, outre du défi des volumes, du défi de conception de ces captures de données. Car avant même de pouvoir comparer, capitaliser, historiser, il faut bien être au clair sur la sémantique : savoir de quoi l'on parle. On aboutit nécessairement à une ontologie, une formalisation, une modélisation, ... et de fil en aiguille le brave modèle de donnée reprend tout ses droits.

Par exemple on constate que la plupart des cycles, intimes des nouvelles frontières dont il est question ici, ne sont pas modélisés. Ils sont pourtant connus, et la conscience de leur existence est commune. J'ai eu la chance de travailler (il y a 2 décennies...) pour les administrations de la circulation routière, époque d'euphorie Meurisienne, alors que le concept même d'événement de la circulation (accident, perturbation, chantier,...) n'était pas clairement défini, ce qui minait toute formalisation de l'information routière. En suggérant que ce SI fondamentalement événementiel soit fait basé sur la modélisation des événements, la définition d'un SI modernisé se mit en place rapidement... Dans d'autres domaines, devenus, par l'intimité des frontières, tout aussi événementiels, on en est encore à vouloir traiter l'information à l'image des SI existants, reflets des silos organisationnels et des flux de lots d'informations déclaratifs. Une remise en cause est nécessaire, sur la base événementielle.

Les ruptures d'architecture et de culture "informatiques"


Sur ce thème des données, "last but not least", il faut aussi être bien conscient de la rupture qui s'est produite : l'adoption par les géants du web de concepts et d'architectures qui leur permettent de traiter d'immenses volumes.

Cette rupture se produit à plusieurs niveaux :
  • technologique : la capacité de traitement n'est plus fondée sur une course à la puissance des centres de calcul, comme par le passé, mais par une multiplication de serveurs banalisés
  • logiciel : il n'y a plus un système central qui gère une base unique, mais une population de logiciels qui interagissent et se répartissent le travail comme abeilles dans une ruche
  • économique : les acteurs sur cette nouvelle niche sont mondiaux, et le savoir-faire encore peu diffusé, en rupture avec la compétence des équipes locales informatiques classiques
Les nouveaux acteurs de cette petite révolution de palais informatique ont un discours offensif, prêchant le Big Data, le NoSQL, les merveilles de l'analyse en immédiat opposées à la Business Intelligence devenue ringarde, l'analyse prédictive opposée à la régression déductive... Il reste qu'il faut maîtriser ces nouvelles architectures, dans toutes leurs composantes, y compris les plateformes de mobilité qui doivent y être intégrées (voir le principe "mobile first" par F. Charles)

L'impérieuse nécessité d'une hybridation des données


Dans le contexte de rupture actuel, de dérive des continents, de déluge des données "Big Data", on en perd son latin de l'informatique classique, de bonne vieille économie, de la relation client et de son brave multi-canal... faut-il faire le saut des technologies, parier sur ces Big Data ? Et comment s'orienter vers ces nouvelles frontières de l'intimité au vivant ?

A coté de voies de rupture, que privilégient les start-up pariant sur une des infinies innovations ouvertes par l'émergence des frontières et de leurs marges territoriales, la voie de découverte, d'expérimentation, passe par les données. Car toutes les entreprises et organisations ont des données, un historique, un savoir-faire ainsi capitalisé par delà les fluctuations de procédures, d’organisation, et les empilements applicatifs.

Chaudron de Gunterstup
La maîtrise des Big Data, et de fait des transformations et services associés aux nouvelles frontières, passe par ces données. Une première étape, rarement réalisée, est de mettre de l'ordre dans les silos, et de capitaliser sur des puits de données, au sein du patrimoine existant, pour le simplifier et préparer les migrations.
Puis, l'hybridation des données classiques avec celles qui émergent des événements intimes, est une nécessité stratégique. Elle devrait agiter les entreprises et organisations dans un projet transversal, mobilisateur et passionnant car au confluent de tous les savoir-faire et des nouveaux enjeux.

Encore une autre image vient à l'esprit : sacrifier, pour se donner des chances de belle récolte, au chaudron pour hybrider les données, un lieu où on mixe données classiques et données candidates issues des nouvelles sources, exploitant les API des réseaux sociaux,et autres avatars (Open Data, Hackathon, projets de start-up, ...), un lieu d'expérimentation, où cette mixture mijote, à l'image du chaudron de nos anciens. Une métaphore de plus ! Pourquoi pas un lac ? The Data Lake ? Voir à ce sujet l'émergence de ce concept.
Qu'importe l'image : entreprises et organisations doivent passer, du fonctionnement formel actuel, à une interaction plus intime avec les cycles de vie, à la révolution de l'accès au vivant. Cela ne se fera pas en un jour, et nécessitera cette hybridation, par l'expérimentation, puis l'industrialisation.

Chaudron de Gunterstup (détail)


mercredi 16 avril 2014

Orchestrer la transformation numérique


La transformation numérique ( voir le rapport du Club Urba-EA) marche à grands pas. Les multiples événements, bio-rythmes en tout genre, accessibles aux automates, objets connectés, et autres avatars mobiles intimes ou sociaux ne cessent de se diversifier et s'étendre à de nouveaux horizons.
Nouveaux territoires, mais aussi nouveaux instruments capables de capter les multiples cycles de vie du monde réel, les frémissements de la futilité comme les prémices d'épidémies.
On s'émerveille, ou a contrario se scandalise, tous les jours des avancées réalisées. Qui sont bien souvent le fait de nouveaux acteurs, nés du net et pariant sur la rupture(cf la "génération de disrupteurs"). Des acteurs agiles à saisir les opportunités, et qui développent à la fois un business original et ses bases technologiques.

Mais qu'en est-il des grandes organisations ? comment peuvent-elles orchestrer leur transformation numérique ? Quels thèmes développer, avec quels instruments ?

Sauront-elles s'adapter ? prendre en compte les nouveaux flux dans leur diversité, leur volume ? Ces fameuses Big Data qui affolent le marketing seront-elles assimilées, appropriées par les métiers ?

Le plus immédiat est d'étendre la connaissance du client et des marchés, grâce à l'analyse, aux fameux "data scientists" et, à terme cela deviendra banal, comme le prédit Michael Dell (Big data moteur de croissance économique).

Transformer les chaînes de valeur


Mais, plus fondamentalement, comment transformer les chaines de valeur ?

A mon sens, il existe des pistes simples pour répondre à ce défi complexe qui frappe à la porte des "majeures".
Portons notre réflexion à deux niveaux, extrémités des dites chaîne de valeur :
  • en amont, à leur origine, là où ces chaînes sont initiées, au contact des bio-rythmes qui leur donne sens.
  • au cœur des systèmes d'information, et de la technologie qui les sous-tend.
Car, entre ces deux accroches, les chaînes de valeur étendent leur toile d'araignée, au gré des lois économiques, de la réglementation, de la globalisation, des recompositions entre acteurs, selon le ballet éternel de la compétition. A la limite, c'est du second ordre par rapport au cadre global ici posé.

En amont : les sauts de frontière


Selon la terminologie que j'ai proposée et explicitée ici, les chaînes de valeur prennent leur origine sur des "frontières". A chaque étape de révolution technologique, il y a changement de frontière : saut de frontière.

Nous le comprenons bien, pour avoir vécu la "découverte" du client, de l'allocataire, de l'administré, derrière ses contrats, ses prestations, etc... et l'époque des premiers "guichets uniques" tentant de restituer une vision transverse.

Maintenant, derrière le client, il y a par exemple le fanatique de course, traqué par les applications et les sites de "running" qui le suivent à la semelle, dans ses moindres pas. Il y aura aussi des milliers d'autres univers de problématiques, heureuses, et pragmatiques, voire pathologiques.

Derrière le réfrigérateur, il y aura le gestionnaire familial de stocks, proposant les réapprovisionnements.
Et le tracteur de l'agriculteur, bien sûr bardé de capteurs, obéira à l'intelligence du semencier, par le truchement de l'industriel de machines agricoles, transformé en opérateur de réseau et de services.

En somme, ce qui change fondamentalement est l'accès aux événements, événements atomiques et primaires, alors que les affaires traditionnelles ne pouvaient connaître que des images grossières, et des événements plus globaux, moins fins, moins fréquents, moins intimes !

Ce saut de frontière concerne bien sûr les cycles client (ou du citoyen), mais il se produit, de façon évidente,  pour l'ensemble des événements, et donc pour tous les cycles de l'entreprise. Cycles traditionnels susceptibles d'être "dépassés" par des cycles primaires, et déterminants. Pour l'entreprise qui ne voit pas venir ces modifications, le danger est de perdre le contact, l'efficacité, la pertinence, car les chaînes de valeur se sont prolongées en l'amont. Le danger est aussi de voir apparaître  des compétiteurs sur ses propres segments de valeur.

On pourrait se dire que tout ce chambardement, vers de nouveaux azimuts, est complexe. Et bien NON ! La complexité ne vient pas de ces jeux de frontière, faciles à comprendre. Elle vient des explications alambiquées, et des méthodologies pléthoriques...

Au cœur des transformations : les systèmes d'information


Pour apporter de la valeur, c'est-à-dire réaliser les transformations attendues, qu'elles soient industrielles, administratives, intellectuelles ou autre, il faut bien sûr capter les événements, et développer les chaînes de valeur entre les différents partenaires, à l'aide de processus, applications et autres systèmes.

L'influx nerveux
Mais les systèmes d'information sont à la fois l'influx nerveux et la mémoire de ces transformations.

Nous avons vu que les nouveaux entrants, les "pure-players" sont à l'aise à la fois avec le terreau business de leur niche et les technologies adaptées. Notre sujet concerne les grandes entreprises et organisations qui doivent évoluer, et jouer sur ces nouveaux territoires.

Une de leurs forces est située dans les informations qu'elles ont dégagées. Plus que les métiers ou les marchés, les informations sont durables, car plus "objectives". Et la révolution en marche ne mettra pas en cause tous leurs fondements : le noyau le plus stable, formel, incontournable, intemporel, demeurera, même si le "comment" des transformations réalisées par l'organisation change.

L'hybridation des données : une opportunité


D'ailleurs, concrètement, avec le séisme numérique, l'hybridation de données nouvelles, massives, non structurées, souvent individuelles et privées, devra se faire avec le patrimoine de données de l'entreprise, celui abrité par "l'espace souverain".

Quelle formidable opportunité ! La force des "majeures" est dans leurs données.

L'enjeu est dès lors la bascule, le rebond vers les nouveaux territoires, en s’appuyant sur les données. Et pour cela il faut sortir de l’imbroglio, du plat de spaghetti, du cyclone d'échanges internes entre silos.

Les données sont les gènes de l'entreprise et des administrations. La transformation numérique ne peut se résumer à la création de nouveaux silos de données ! Il faut capitaliser sur l'existant et rebondir par une hybridation des données massive.
le Logo d'Hadoop

Chaussures connectées
L'approche proposée ici, et qui est en phase avec les évolutions technologiques des plateformes, en particulier pour intégrer les données des Big Data grâce aux architectures émergentes (voir la multitude d'offres en Open Source et dans la mouvance de Hadoop), prend ainsi un relief particulier: elle ouvre un chemin vers cette hybridation, et, par là, l'intelligence des nouveaux territoires, et la connaissance émergente de biorythmes jusqu'à présent méconnus.

Entre les nouveaux azimuts des chaînes de valeur, et les précieux "puits" d'informations, l'orchestration de la transformation numérique dispose à la fois des thèmes à développer et des instruments à diriger.




dimanche 30 mars 2014

Systèmes d'information : bouger les cathédrales


Les systèmes d'information "historiques", ceux des grandes entreprises et organisations, sont d'immuables cathédrales.
Cathédrale de Reims

D'immuables cathédrales


Certes, ils n'en ont pas l'esthétique, ils relèvent plus de la pesanteur du Roman, que de l'équilibre structurel du Gothique... Mais ils imposent le respect, ne serait que par leur résistance aux changements : nous avons vu ici à maintes fois que l'effroyable complexité, l'imbrication fatale, l'empilement applicatif opportuniste, ont créé une rigidité qui placent ces créations de l'esprit hors du temps.

Et pourtant, tous les jours, de toutes parts, apparaissent d'impérieuses nécessités de mettre ces cathédrales en mouvement.

Comment faire pour ne pas effondrer ces architectures, lourds et rigides héritages du passé, précieux garants des fonctionnements, et du respect des multiples règles et prescriptions ?

Deux voies d'évolution


Longtemps on a pensé, et beaucoup pensent encore, qu'il suffisait de se doter de Méthodes d'Architecture et d'Architectes, pompeusement baptisés Architectes d'Entreprise, pour réformer le SI...

Congrès spécialisés, gourous, cursus, ... canalisent énergies et compétences. Mais est-on sur la bonne voie ? Est-on sur un chemin adapté aux défis actuels, qui ne sont plus ceux de la maturité de l'informatisation, atteinte il y a une à 2 décennies. N'y a-t-il pas, sur ce sujet, aveuglement collectif, à vouloir projeter l'avenir avec les recettes du passé ?

D'ailleurs, à l'opposé des chantres de l'Architecture d'Entreprise et de leurs ambitions méthodologiques qui visent à tout décrire, tout maîtriser, les aficionados de l'agilité, du développement agile, préconisent des approches incrémentales, de petits pas de développement, qui se moquent des approches en cascade et des projets mastodontes du passé.

Qui croire ? Faire table rase et s'engager dans le tout agile, voire le tout web, le tout connecté ? Ou se rassurer à force de certifications d'Architectes, labellisés à la méthode la plus reconnue ? et à laquelle confier son avenir ?

Ce sont 2 voies respectables. Mais il n'est plus temps, ni de créer des cathédrales, ni en tout point de leur substituer des créations agiles : l'impératif est de bouger les cathédrales, et de leur adjoindre des absidioles d'agilité. Si les Architectes d'Entreprise existent, voilà bien le cœur de leur ingénierie.

Une troisième voie inexplorée


Existe-t-il une baguette magique qui transformerait les colosses du passé en champions de l'age numérique ? Existe-t-il un levier de mise en mouvement ?

Entre ces 2 idéologies, et leurs pratiques, il faut reconnaître qu'on n'a pas trouvé cet artifice. Je vous propose pourtant ici d'explorer une troisième voie dans ce sens.

En premier lieu, pour provoquer la réflexion, et les remises en cause, changeons de paradigme.
  • abandonnons l'hypothèse que l'on peut maîtriser le SI dans sa globalité : cette voie, nous l'avons vu, aboutit à de la méthode, à des malentendus, et parfois à de magnifiques tunneliers qui ne peuvent mourir qu'au fond du tunnel. En effet, sans maîtriser le global, il reste encore des milliards de milliards de solutions.
  • prenons comme impératif de préserver l'existant et de le mixer, le coupler avec les compléments agiles qui répondent aux attentes actuelles. En effet, dans cet état d'esprit, l'existant est infiniment complexe, donc relativement immuable. Interdisons-nous de faire table rase, tous les efforts doivent porter sur le mariage de l'ancien et du moderne.
Un global non maîtrisable, et un existant irremplaçable, voilà le paradigme.

Le salut est alors dans le local, le domaine réduit, et la capitalisation sur l'existant.

On avancerait ainsi par petits mouvements, qui se propagent par l'exemple plus que par la théorie. La mise en mouvement de la cathédrale est ainsi engagée et sécurisée.

Un levier disponible : les données


A ce point du raisonnement, le voile se lève : nous avons à portée de main le levier tant cherché ! Ce sont les données !

Car les données étaient déjà là au premier temps de l'informatique, et seront toujours là, pour les anciens comme pour le modernes ! Elles peuvent réconcilier toutes les chapelles, quelles que soit les différentes formes qu'on donne à ces matérialisations des informations. Et les diverses syntaxes et avatars technologiques ne sont que contingences dont on peut, et dont il faut, s'abstraire.

Données d'un puits (Source R. Mandel)
J'ai proposé ici une des approches possibles : les puits de données. Cela suppose un effort conceptuel pour clarifier quelques notions, bien dissocier les cycles de vies, modéliser les 3 dates (date de fait, date de vision,date technique) comme expliqué sur ce site (le trouble des dates), et faire le tour des fonctions nécessaires (voir une présentation des principes de puits de données). Voilà un levier dont le coût est dérisoire (un prototype sur cas réel a coûté de l'ordre du 20 000 ième du budget informatique).


La bonne nouvelle


Réorganiser le SI autour des données est possible. Au delà des puits de données, d'autres chemins de migration restent à imaginer, en s'appuyant en particulier sur les nombreuses offres émergentes au sein de l'écosystème des données :

Ecosystème des données d'après EMA-9sight Consulting
La bonne nouvelle est que les diverses routines de lecture, virtualisation, conversion, manipulation, sont largement disponibles. Au catalogue de grands éditeurs, comme dans l'offre de start-up, et dans la déferlante de l'Open Source (voir par exemple la liste des connecteurs disponibles chez un intégrateur de données). L'hybridation de données, de toutes sortes et à tout propos, est possible, au sein d'un écosystème des données, comme le montre l'image ci dessus extraite d'un livre blanc sur les Big Data.

Un marketing décalé


Alors comment expliquer que ce levier disponible, stratégique pour la migration, soit largement sous-utilisé... Certes, ces offres sont récentes, il faut du temps pour se les approprier. Les services informatiques résistent et sont sceptiques, avec une naturelle inertie pour s'engager dans cette révolution du patrimoine SI.

Mais la raison est aussi, à mon sens, liée au marketing de ces offres, qui les positionne sur la marge de l'empire du SI et non en son cœur lui-même : un marketing décalé, polarisé sur le Big data et l'Analytic.

Bref, il est clair que nous avons à portée de main la technologie qui va bien. La troisième voie est ouverte, facile à initier, rapidement praticable, sans grand projet. Elle cible le cœur du SI.

C'est une impérieuse nécessité.



dimanche 9 mars 2014

A la découverte des "puits d'événements" pour simplifier les systèmes d'information



A l'instar de la société, les systèmes d'information des grandes entreprises et organisations se complexifient inexorablement.
Nous avons déjà maintes fois expliqué ce phénomène naturel, contre lequel l'Architecture d'Entreprise et l'Urbanisme des SI doivent lutter : l'accumulation de logiciels en liens inextricables tel un récif de corail.
Le champ couvert par les systèmes de plus en plus vaste, et les imbrications, empilements, redondances y créent une sur-complexité : à l'évidence, a posteriori, on voit clairement qu'on aurait pu faire plus simple. Seulement, il est trop tard, les liens sur-complexes ont rigidifié l'ensemble. Le patrimoine est devenu tel un conglomérat corallien aléatoire.

Il existe plusieurs réponses à cette problématique :
  • mettre en place et imposer des référentiels de données partagés, les fameuses "master data", approche vertueuse, mais nécessitant des clarifications de gouvernance et des transferts de responsabilité sur les données,
  • re-urbaniser une partie du patrimoine à l'occasion d'un grand projet, approche risquée, coûteuse, et de dernier recours,
  • définir une cible d'urbanisme pour un domaine et converger vers la cible à l'occasion des projets, approche optimale, mais aux résultats immédiats peu visibles,
  • gérer un catalogue services réutilisables, approche technique vertueuse et progressive.
Toutes ces réponses impliquent coûts, délais, risques, efforts d'administration et de gouvernance.

De plus, la rigidité du récif "applicatif" est confortée par la rigidité des habitudes et pratiques acquises. Le système technique formate en effet ses utilisateurs : même si les logiciels étaient totalement flexibles, les usagers, les clients ne comprendraient pas de perpétuels changements. Les viscosités métier, sociale, et sociétale, réduisent l'intérêt, et le retour sur investissement, d'une éventuelle agilité des développements logiciels.

Comment, dans ce contexte, assainir le système, en réduire la complexité, éviter qu'il ne se complexifie par empilement, alors qu'on n'a plus les moyens de financer les coûts et risques des "big-bang" applicatifs, des projets ERP, des refontes des processus et des migrations des utilisateurs ?

Comment faire avec cet état de fait ? Comment évoluer sans rupture et réformer doucement en profondeur ?

Un levier négligé


Pour l'Architecture d'Entreprise, il existe pourtant un levier, à mon sens clairement sous-utilisé voire ignoré, qui satisfait ces conditions. Levier qui permet de lutter contre l'accroissement de l'entropie en agissant au cœur même de son développement, par une approche à la fois curative et préventive attaquant le mal à sa source.

Ce levier agit exclusivement sur les données, sans perturber le patrimoine applicatif, si rigide, et les processus, si sensibles. Il se situe au centre du cyclone des données qui matérialise les échanges structurés entre applications, services et autres ERP, voire SaaS, DaaS,... car ce lieu stratégique de la maîtrise de l'entropie est le royaume des dialectes locaux, fondés sur des modélisations variées des mêmes informations, des modes d'échanges temporels (invocation de services, flux de messages, stocks à date, historiques,...), des modalités techniques datant des différentes époques, et sur un espace sémantique non maîtrisé. Une Tour de Babel des échanges aux multiples facettes, et qui traverse tous les niveaux du SI : sémantiques, fonctionnels, techniques.

Car les échanges cristallisent les dysfonctionnements : non cohérence entre divers processus, duplications, redondances, flous des concepts, absence de gestion des cycles de vie, de la profondeur historique, de la mise en cohérence, de la traçabilité,... et au final sur-investissement, sclérose, et non qualité coûteuse et visible.

L'assainissement des échanges repose certes sur la mise en place de référentiels de données, c'est une approche bien connue, et fondée maintenant sur une offre de produits de MDM. Approche nécessaire (voir : référentiels de données pilier du SI), mais qui ne peut suffire.
A mon sens il existe une autre figure de style, artefact tueur d'entropie, peu référencée sauf par une approche technique, mal connue, et non systématisée. Car cette figure de style repose avant tout sur un effort conceptuel.

Il s'agit de ce que l'on peut appeler un "puits d'événements" (initialement appelé "puits de données"). Limitons nous ici aux principes et aux vertus énoncés ci-dessous. Un développement plus fourni serait aisé, sur la base de travaux réalisés dans un contexte particulier, jusqu'à la maquette technique, travaux qui ont de toute évidence une portée générale.


Principes d'un puits d'événements

Un puits d'événements est, sur un champ sémantique ayant vocation à de nombreux partages et échanges (au sein de l'entreprise ou avec ses partenaires) un système d'information mis en forme normalisée :
  • étant approvisionné par diverses sources non nécessairement coordonnées (le puits offre un service de mise en cohérence et de gestion de la mise en qualité, mais ne prend jamais la main sur les données),
  • admettant toutes les formes d'alimentations (tous protocoles, modélisation variables, modes flux ou messages ou invocation de services),
  • pouvant restituer les informations selon de multiples protocoles et services (dans une relation "commerciale" et contractuelle vis à vis des domaines "clients" individuels ou collectifs, internes voire externes),
  •  disposant d'une supervision pour gérer les contrats, la sécurité, la confidentialité, la pérennité des données (sauvegarde-restauration),
  • gérant de façon atomique, au niveau du "grain" le plus fin, la profondeur historique et les cycles de vie des données (cycle événementiel des faits, cycle des visions, cycle des mises en qualité) sur les 3 dimensions de la trilogie des dates (grain tri-daté : voir la question du trouble des dates dans le SI), grâce à une modélisation des données générique et conceptuelle de sa base interne au puits,
  • implanté sur une architecture technique et logiciel fournissant le catalogue des services nécessaires aux interfonctionnements et aux conversions de protocole (fournis par les éditeurs d'intégration de données),
  • permettant les reconfigurations de périmètre (éclatement en plusieurs puits, fusion de puits), par une gestion des versions, le référencement de chaque flux, et le modèle générique.
Ainsi un puits d'événements, contrairement au MDM qui se substitue à la gestion des référentiels anciennement incluse dans plusieurs applications, ne remet pas en cause le patrimoine et les processus existants. Un puits ne gère pas les données de structure, gestion confiée bien sûr à un MDM (identification des objets, nomenclatures, postes, ...), mais il historise, stocke en base de données, et rapproche les données dynamiques, classiquement échangées en flux, ou propulsées en mode message, voire virtuellement échangées par consommation de services.

Le puits d'évenements ne nécessite aucune adaptation du patrimoine existant, car il fait son affaire de toutes les conversions en entrée (alimentation du puits) et en sortie (service aux clients du puits).

Positionnement et composition d'un puits selon l'auteur
En s'insérant progressivement, sans big-bang, au sein du "plat de spaghetti" d'échanges de données d'un même champ sémantique, et dans leurs cycles de vie, le puits assainit ces échanges, réduit leurs variantes contingentes et opportunistes. Il s'interpose comme plateforme multi-protocoles et s'impose progressivement comme la référence incontournable. Il permet le passage en douceur d'échanges en mode fichier, ou en mode asynchrone, entre silos applicatifs, à des échanges plus tendus, unitaires et interactifs, en respect de contrats basés sur un catalogue de services et de contenus d'objets conceptuels. Il est à la fois le moyen pratique pour simplifier les migrations, et préfigure concrètement la cible dés-imbriquée. A noter qu'une approche de type "format pivot" ne résout que partiellement le sujet, en particulier parce qu'un stockage historique est nécessaire pour pouvoir accepter et restituer tous les tempos d'échange.


Vertus d'un puits d'événements


En synthèse, un puits d'événements permet de partager, au sujet des événements, les données :
  • fraîches, car les domaines possesseurs de données peuvent y déposer leur données pour usage par d'autres, dès qu'elles sont disponibles. Le puits permet de gérer le cycle de vie et de mise en qualité, et respecte les contrats de dépôt.
  • pures car le puits assure une mise en cohérence et remonte les anomalies vers les domaines gestionnaires, tout en traçant la mise en qualité.
  • disponibles car le puits garantit :
    • la complétude conceptuelle, en particulier par la gestion des 3 dates des grains, et la modélisation générique (par exemple : typage des périodes d'activité en RH)
    • l'évolutivité des modalités d'échange, par le report des conversions confiées à des routines de services, la base centrale étant construite sur un modèle générique couvrant tous les contenus et tous les historiques : les clients et fournisseurs du puits n'ont pas à connaître cette complexité, et peuvent fonctionner à leur rythme, et selon leurs usages. Ils peuvent aussi migrer en douceur vers d'autres rythmes et protocoles, en s'appuyant sur le catalogue de contrats du puits.
  • profondes car le puits explore et mémorise toutes visions datées et dans toute leur profondeur historique.
Une figure de style pour simplifier le SI, tuer les norias d'envois de données divers et variés, accélérer les échanges, donner de la visibilité, tout en préservant l'existant.
Une figure basée sur l'agilité que permettent les plateformes d'intégration de données, et leurs propres catalogues de routines, connecteurs et autres accès aux ESB. Sans pour autant imposer un passage généralisé à des échanges synchrones, mais employer les plateformes à bon escient, au rythme des besoins, sur une base conceptuelle durable garantie par la modélisation générique.

A voir : une présentation du sujet ici.

A quand la fin des délices du spaghetti ?