dimanche 30 mars 2014

Systèmes d'information : bouger les cathédrales


Les systèmes d'information "historiques", ceux des grandes entreprises et organisations, sont d'immuables cathédrales.
Cathédrale de Reims

D'immuables cathédrales


Certes, ils n'en ont pas l'esthétique, ils relèvent plus de la pesanteur du Roman, que de l'équilibre structurel du Gothique... Mais ils imposent le respect, ne serait que par leur résistance aux changements : nous avons vu ici à maintes fois que l'effroyable complexité, l'imbrication fatale, l'empilement applicatif opportuniste, ont créé une rigidité qui placent ces créations de l'esprit hors du temps.

Et pourtant, tous les jours, de toutes parts, apparaissent d'impérieuses nécessités de mettre ces cathédrales en mouvement.

Comment faire pour ne pas effondrer ces architectures, lourds et rigides héritages du passé, précieux garants des fonctionnements, et du respect des multiples règles et prescriptions ?

Deux voies d'évolution


Longtemps on a pensé, et beaucoup pensent encore, qu'il suffisait de se doter de Méthodes d'Architecture et d'Architectes, pompeusement baptisés Architectes d'Entreprise, pour réformer le SI...

Congrès spécialisés, gourous, cursus, ... canalisent énergies et compétences. Mais est-on sur la bonne voie ? Est-on sur un chemin adapté aux défis actuels, qui ne sont plus ceux de la maturité de l'informatisation, atteinte il y a une à 2 décennies. N'y a-t-il pas, sur ce sujet, aveuglement collectif, à vouloir projeter l'avenir avec les recettes du passé ?

D'ailleurs, à l'opposé des chantres de l'Architecture d'Entreprise et de leurs ambitions méthodologiques qui visent à tout décrire, tout maîtriser, les aficionados de l'agilité, du développement agile, préconisent des approches incrémentales, de petits pas de développement, qui se moquent des approches en cascade et des projets mastodontes du passé.

Qui croire ? Faire table rase et s'engager dans le tout agile, voire le tout web, le tout connecté ? Ou se rassurer à force de certifications d'Architectes, labellisés à la méthode la plus reconnue ? et à laquelle confier son avenir ?

Ce sont 2 voies respectables. Mais il n'est plus temps, ni de créer des cathédrales, ni en tout point de leur substituer des créations agiles : l'impératif est de bouger les cathédrales, et de leur adjoindre des absidioles d'agilité. Si les Architectes d'Entreprise existent, voilà bien le cœur de leur ingénierie.

Une troisième voie inexplorée


Existe-t-il une baguette magique qui transformerait les colosses du passé en champions de l'age numérique ? Existe-t-il un levier de mise en mouvement ?

Entre ces 2 idéologies, et leurs pratiques, il faut reconnaître qu'on n'a pas trouvé cet artifice. Je vous propose pourtant ici d'explorer une troisième voie dans ce sens.

En premier lieu, pour provoquer la réflexion, et les remises en cause, changeons de paradigme.
  • abandonnons l'hypothèse que l'on peut maîtriser le SI dans sa globalité : cette voie, nous l'avons vu, aboutit à de la méthode, à des malentendus, et parfois à de magnifiques tunneliers qui ne peuvent mourir qu'au fond du tunnel. En effet, sans maîtriser le global, il reste encore des milliards de milliards de solutions.
  • prenons comme impératif de préserver l'existant et de le mixer, le coupler avec les compléments agiles qui répondent aux attentes actuelles. En effet, dans cet état d'esprit, l'existant est infiniment complexe, donc relativement immuable. Interdisons-nous de faire table rase, tous les efforts doivent porter sur le mariage de l'ancien et du moderne.
Un global non maîtrisable, et un existant irremplaçable, voilà le paradigme.

Le salut est alors dans le local, le domaine réduit, et la capitalisation sur l'existant.

On avancerait ainsi par petits mouvements, qui se propagent par l'exemple plus que par la théorie. La mise en mouvement de la cathédrale est ainsi engagée et sécurisée.

Un levier disponible : les données


A ce point du raisonnement, le voile se lève : nous avons à portée de main le levier tant cherché ! Ce sont les données !

Car les données étaient déjà là au premier temps de l'informatique, et seront toujours là, pour les anciens comme pour le modernes ! Elles peuvent réconcilier toutes les chapelles, quelles que soit les différentes formes qu'on donne à ces matérialisations des informations. Et les diverses syntaxes et avatars technologiques ne sont que contingences dont on peut, et dont il faut, s'abstraire.

Données d'un puits (Source R. Mandel)
J'ai proposé ici une des approches possibles : les puits de données. Cela suppose un effort conceptuel pour clarifier quelques notions, bien dissocier les cycles de vies, modéliser les 3 dates (date de fait, date de vision,date technique) comme expliqué sur ce site (le trouble des dates), et faire le tour des fonctions nécessaires (voir une présentation des principes de puits de données). Voilà un levier dont le coût est dérisoire (un prototype sur cas réel a coûté de l'ordre du 20 000 ième du budget informatique).


La bonne nouvelle


Réorganiser le SI autour des données est possible. Au delà des puits de données, d'autres chemins de migration restent à imaginer, en s'appuyant en particulier sur les nombreuses offres émergentes au sein de l'écosystème des données :

Ecosystème des données d'après EMA-9sight Consulting
La bonne nouvelle est que les diverses routines de lecture, virtualisation, conversion, manipulation, sont largement disponibles. Au catalogue de grands éditeurs, comme dans l'offre de start-up, et dans la déferlante de l'Open Source (voir par exemple la liste des connecteurs disponibles chez un intégrateur de données). L'hybridation de données, de toutes sortes et à tout propos, est possible, au sein d'un écosystème des données, comme le montre l'image ci dessus extraite d'un livre blanc sur les Big Data.

Un marketing décalé


Alors comment expliquer que ce levier disponible, stratégique pour la migration, soit largement sous-utilisé... Certes, ces offres sont récentes, il faut du temps pour se les approprier. Les services informatiques résistent et sont sceptiques, avec une naturelle inertie pour s'engager dans cette révolution du patrimoine SI.

Mais la raison est aussi, à mon sens, liée au marketing de ces offres, qui les positionne sur la marge de l'empire du SI et non en son cœur lui-même : un marketing décalé, polarisé sur le Big data et l'Analytic.

Bref, il est clair que nous avons à portée de main la technologie qui va bien. La troisième voie est ouverte, facile à initier, rapidement praticable, sans grand projet. Elle cible le cœur du SI.

C'est une impérieuse nécessité.