samedi 20 décembre 2014

Quelle rupture de vision du monde numérique ?



Le monde numérique se dessine à forte allure. Doit-on le voir, l'analyser avec notre prisme habituel ?

Ou faut-il une rupture dans notre vision ?

Le monde traditionnel est complexe. Avec la numérisation, il se complexifie.

Comprendre le monde tel qu'il est, c'est aussi  comprendre d'où il vient, et, dans une certaine mesure, comprendre où il va.

Cela dépasse-t-il notre entendement, alors que nous sommes dotés de milliards de neurones interconnectés dans une toile infinie de synapses.

Synapses

Une évidence obscure


Comprendre le monde tel qu'il est, j'ai ici proposé un prisme d'analyse pour expliquer le fonctionnement des systèmes d'information, et, au delà de toutes les transformations réalisées par les systèmes vivants. Et la simplicité de quelques bases immuables : les événements, de diverses natures, qui s'associent en cycles et parcours. Ces événements sont premiers à toute culture, toute transformation, tout processus, tout système d'information.

Cette vision simple, voire simpliste, se veut décapante, car elle éclaire les fondements, et ignore les péripéties dues à l'histoire, aux configurations économiques, à l'optimisation des processus, aux procédures. Par exemple le développement technologique, et les objets connectés, permettent maintenant d'accéder au vivant, à l'intimité individuelle, alors que celle-ci a toujours existé. La révolution numérique porte sur cette intimité technologique.

Pourtant notre culture nous met le nez sur l'outil, sur la méthode (voir par exemple), sur le moyen, plutôt que sur le résultat. Pourtant, s'il y a un résultat, c'est qu'à l'origine existe un événement initiateur, engageant une exigence, une opportunité, de transformation. C'est une dynamique universelle, en somme, une évidence dont on trouve sur ce site de nombreuses illustrations.

Curieusement, l'immense majorité des visions proposées par les méthodes de tous types, que ce soit pour modéliser l'entreprise, les processus, les SI, se base sur des visions statiques qui ignorent cette évidence et cette dynamique.

L'explication est simple : l'entreprise, surtout dans le monde de la gestion, fonctionnait déconnectée  des événements de la vraie vie : pour optimiser ses process, elle créait des attentes de commande, et tous les systèmes business comme administratifs vivaient aussi dans un mode asynchrone, finalement assez confortable pour tous. Aujourd'hui ces rythmes, hérités des flux "papier" déclaratifs ou formalisés (bulletin de paie, déclaration d'impôts, bons de commande, ...), des guichets physiques, perdurent fortement.

Car la société elle-même n'est pas malléable :
  • les processus des uns et des autres sont imbriqués dans des étreintes difficilement réversibles,
  • toute réforme risque des créer des perdants, lésés, précarisés, placés en concurrence, ... et occultant le coté positif du changement.
Alors l'évidence, ignorée, invisible, parait obscure.


Une rupture de vision


Pourtant, il y a des signaux faibles pour une rupture de vision : le fonctionnement du monde, en dehors de toute évaluation morale, mercantile, ou idéologique, fonctionnement toujours plus follement complexe, doit être vu autrement.

En somme, l'analyse par les événements, et les cycles, introduit, d'entrée de jeu, de la simplicité.

Par exemple, dans le champ certes limité, mais tellement complexe, des systèmes d'information, la démarche d'analyse aboutit, en peu de détours, aux composants structurants, figures de style incontournables, que sont :
  • les référentiels de données, qui marquent les grands dimensions immuables, les piliers, du SI de l'entreprise, et, plus globalement, de son écosystème. Ils sont clés pour associer les différents cycles, sont ciment de la cohérence. Par exemple le référentiel des employés fédère tous les cycles des RH, ceux du recrutement, de la formation, de la gestion administrative, mais aussi les cycles productifs qui emploient le personnel,
  • les puits de données, qui sont aussi des piliers, faisant le lien entre des référentiels, dans un asservissement de très forte pérennité. Ainsi l'affectation des employés aux services de l'entreprise fait-il le lien entre le référentiel des RH et celui des structures.

Mais ce qui vaut pour les SI s'applique aussi sur les autres territoires de transformations, peu lisibles car eux-aussi complexes et de dimensions incommensurables : les activités écologiques, économiques, sociales, culturelles, ...

La confusion entre deux complexités


Les arbres cachent la forêt, et, pour appréhender les systèmes, il y a confusion entre 2 complexités :
  • la complexité "cumulative", artificielle, due à l'empilement de pratiques, de solutions, de comportements, de processus, de SI devenus obsolète car inadapté aux potentiels du monde numérique. L'urbanisme des SI est un exemple de lutte contre l'embolie qui guette un patrimoine devenu archaïque, et imbriqué par empilement opportuniste. Cette complexité du développement en récif de corail, ne se cantonne pas seulement aux SI, il règne aussi au sein des organisations, des corporations, des États. Le SI a ses méthodes de développement "agile", en regard, les organisations ne sont agiles que dans des cas extrêmes de mobilisation autour d'un consensus, époque dont nous sommes très éloignés... Cette complexité, par accroissement de l'entropie, est involontaire, mais elle freine le développement. Elle est "négative" et exige, pour la limiter, une lutte de tous les instants, et, bien sûr une vision dépassant la mêlée. 
  • une complexité "positive", plus fondamentale, due à la constante sophistication de nos outils technologiques, culturels, sociaux, qui ont fait émergé des tours de Babel de réglementation, des chapelles de tous types, des métiers, des corporations et expertises, ... Cette complexité  "positive" sous-tend le "progrès" : dés lors que l'homme a créé un outil, il a fallu qu'il le maîtrise ! et de nouveaux cycles d'événements sont apparus : la fabrication, l'entretien, ... Accepter l'outil, est accepter sa complexité : de conception, de fabrication, comme celle d'usage. Autant de cycles différents à objectiver.

Entre obscurantisme et espoir d'un monde meilleur


La complexité globale,  dépasse la simple somme de ces complexités élémentaires, car elle est combinatoire. Supposons un instant que, par une baguette magique, nous puissions tout changer dans l'instant, qu'il n'y ait aucune résistance, aucune rente à préserver, aucun privilège de culture, de statut, de droit, ... et que le logiciel soit créé en claquant des doigts, et les utilisateurs ou clients rompus à son usage... Il demeurerait une complexité positive globale, due à l'assemblage, dans des combinaisons infinies, de ces cycles de vie, de ces parcours de tous nos êtres, de tous nos objets, qu'ils soient matériels, immatériels, conceptuels, culturels, réglementaires, sociétaux,... dans cet assemblage, et avec les technologies de l'intimité, tout reste à inventer !

Le pessimiste, malgré tout ce qui est dit sur les merveilles du monde numérique, et le foisonnement de technologies et initiatives, pensera que le facteur négatif domine le changement ! Si la complexité négative, par obscurantisme, conservatisme, repli sur le passé, courte vue, esprit de clocher, s'enflait encore, ne connaissant pas naturellement de limites ...., le système dériverait-t-il au point qu'il ne soit plus viable ?

Crise, rupture, enclencherait un cycle plus global. De remise en cause, en table rase, une nouvelle histoire commencerait alors.

L'optimiste espère que l’émergence des technologies de l'intimité, dans un monde globalisé et dynamisé, fera pencher la balance dans la clarté d'un monde meilleur !

Et, dans cet océan d'incertitudes, la maîtrise de la complexité, qu'elle soit "positive" ou "cumulative", sera un défi à relever.

Oui, il nous faut une rupture de vision, pour revisiter les territoires de ce monde virtuel.