mercredi 30 mai 2018

Invention : quelle "valeur" de l'inférence ?

Celui qui a eu l'occasion de "découvrir" un nouveau procédé, d'"inventer", s'interroge sur sa valeur que cela représente pour la profession, pour les utilisateurs, pour la société.

On sait que beaucoup d'inventions sont dues
au hasard. Encore faut-il que l'inventeur "découvre" ce fait fortuit, en comprenant qu'il explique un mystère, apporte une solution.

La part d'inférence


Il y a aussi, outre le hasard, une part d'inférence : l'intuition que tel ou tel procédé résout, par déduction, une multitude de questions. Car la démarche doit être, lors de l'utilisation du procédé, déductive : énoncé de règles, adaptées par des paramètres, ce qui permet de multiplier les cas d'usage, et de simplifier la mise en oeuvre. A la limite, la déduction est automatique, lors de la mise en oeuvre du procédé, alors que la création du procédé, inductive, elle, échappe au raisonnement logique.

On a ainsi dans une invention, d'une part un temps de la découverte, long, aléatoire, unique, et d'autre part un temps de l'utilisation, rapide et reproductible à l'infini.


Un procédé trivial, ou non ?


Les utilisateurs du procédé n'ont pas la vision de ces 2 "faces" de l'invention : ils ne voient qu'un procédé simple, efficace, et, finalement "évident". J'ai pu constater cela dans la durée, avec des réflexions de scepticisme, et parfois méprisantes. C'est le lot du consultant qui apporte une solution que personne ne voyait, une solution pourtant simple, voire simpliste. A la montée en charge des serveurs du Parisien Libéré, après l'expérience de Vélisy, j'ai pu effectivement résoudre une situation bloquée, jugée inextricable... et la solution fut ensuite adoptée par tous. Ce fait d'armes, à l'époque, me valait des félicitations. Mais ce n'était effectivement pas bien compliqué.

Dans le cas qui m'intéresse, dont je revendique la propriété intellectuelle, c'est bien différent. Le procédé peut être vu, en première analyse, comme trivial. Mais par quelle alchimie a-t-il été imaginé ? Quelle était la probabilité de découverte ?

On a beau jeu de dévaloriser le procédé en arguant de son évidence, sauf qu'il y a des milliers, voire des centaines de milliers de personnes qui, avec les mêmes outils, pouvaient le découvrir.

Quelle probabilité de découverte ?


J'ai en arrière pensée 3 de mes "découvertes" majeures : la Trame Business, les Puits d'événements (et la tridatation), et l'Architecture Flexible.

Le cas de la Trame Business est intéressant, au moins par 3 aspects :

  • l'efficacité, facilement reconnue, du procédé, qui ne nécessite qu'une formation très réduite (comparée par exemple aux certifications exigées en Architecture d'Entreprise : on n'est pas du tout dans les mêmes ordres de grandeur). D'où le syndrome de trivialité...
  • la portée très générale et durable du procédé, qui peut traverser des années de "mode" technologique (les bases posées il y a 15 ans sont toujours pertinentes, voire le sont encore plus avec la transformation numérique)
  • la faible probabilité de découverte du procédé, due à différentes raisons.

Une découverte combinant plusieurs concepts à maîtriser


La Trame Business suppose la maîtrise de plusieurs concepts, c'est à dire, pour y parvenir, pour chacun de ces concepts, une abstraction, et de la rigueur.

Ce sont, sans entrer dans le détail les notions :
  • d'événement (le fait et ses différentes perceptions)
  • de cycle et de parcours
  • de chaîne de valeur, avec son organisation typique (proximité, intégration, ressource)
  • d'univers de valeur
  • de polygone des cycles et parcours (polygone de Mandel)
La probabilité d'aboutir sur chacune de ces notions (dont 2 sont originales) est faible. Et la probabilité de trouver cet assemblage, ... cela m'étonne encore. Le résultat, en probabilités composées, est quasi nul.

Il y a aussi, comparé à des "Framework" mondialement reconnus, comme celui de Zachman, une grande différence : Zachmann a juxtaposé différentes approches d'ingénierie, en les disposant en colonne, avec des lignes qui correspondent à des étapes et des visions similaires de ces ingénieries : la combinatoire est faible.

Dans la Trame Business, les concepts s'assemblent en un tout, et la solidité de l'ensemble peut être remise en cause par la faiblesse d'un seul concept.

















vendredi 30 mars 2018

Données personnelles et civilisation digitale


Les données personnelles sont souvent citées comme le "pétrole" de notre Civilisation Digitale. Ce pétrole est distillé, transporté, stocké dans des Architectures :
Les Architectures des Systèmes d’information, fortement structurées à chaque époque par le substrat technologique, sont conditionnées, et conditionnent les données personnelles.


La dialectique Architecture-Informations personnelles


Cette dialectique se décline sur tous les thèmes majeurs :
  • ·       L’identification des personnes et leur rapport contractuel avec la nation,
  • ·       La sécurité garantie, ou menacée,
  • ·       Les droits fondamentaux, à la différence et aux choix de vie,
  • ·       La santé, la prévention, la solidarité, la mobilité, …


J’en ai une vision personnelle de par mon parcours, depuis le foyer de l’informatique de l’Insee des années 70, précurseur avec Sirène, Safari (eh oui !), les premiers logiciels statistiques (première mondiale…), puis toutes sortes de péripéties de consultant (dont un schéma directeur des Ministères sanitaires et sociaux), bref j’observe ces Architectures depuis plus de 50 ans.

Progressivement se sont développés, et se développent encore furieusement, des écosystèmes de données personnelles, centres d'enjeux économiques mondiaux, renforcés par la ruée vers le Big Data.

La réglementation entre dans le débat


Concernant les données personnelles, la RGPD traite de certains de ces aspects, en complétant les fondements posés par la Loi Informatique et Liberté. Elle est complexe : le sujet l’est. Elle est en phase avec la technologie actuelle : comment pourrait-il en être autrement ?

Elle est Européenne : l’Europe, au moins sur ce sujet, ne démissionne pas et affirme sa souveraineté, face aux GAFA, certes, mais aussi aux Etats.

Mais la problématique est vaste. L’explosion technologique, par son ampleur tant rebattue avec le Big Data, nous pose des défis.

Des défis technologiques : Le remède, si remède il y a, et nous devons l’espérer, est forcément basé sur de la technologie. Nous ne pourrons maîtriser une régulation avec des armées de petites mains ou des cascades de processus ou formulaires.

Nous ne pourrons faire cela de façon désordonnée. C’est pour ces raisons que l’Architecture est une des clés principales.

Ce sont ces Architectures qui soutiennent les écosystèmes où naissent et sont traitées les données personnelles, dans un tourbillon mondial. Ce sont et seront des Architectures qui fondent les systèmes de contre-pouvoir et de contrôle.

La recherche de l'équilibre entre des extrêmes


Ce thème de l’Architecture nous aide à comprendre l’évolution qui nous conduit de la Résistance de René Carmille avec les premiers fichiers de population « industrialisés » par la mécanographie, à Safari, à la loi Informatique et Liberté, la CNIL, puis la RGPD, et aujourd’hui à l’exemple de la blockchain estonienne comme fondement d’organisation civile (voir French-Road).

Avec l’Architecture nous pouvons rechercher les variantes, les alternatives, les points d’équilibre.

Par exemple quel équilibre :

  • ·         entre la vision ego-centriste (égoïste ?) de la personne,
  • ·         et la vision égocentriste de l’Entreprise : elle consomme des données personnelles, mais elle en génère aussi énormément, et qui lui sont nécessaires.


L’Entreprise est un nœud de confiance : par exemple si elle applique la réglementation contre le blanchiment (LCB-FT) doit-t-elle être transparente vis-à-vis de l’individu suspecté ? Doit-elle livrer ses secrets de fabrication aux auditeurs de toutes sortes ?

C’est dans cet esprit que le Club Urba-EA a fondé son projet exemplaire de "plateforme de conformité" : nous pensons que la clé de voûte de l’Architecture de conformité doit être centrée sur l’Entreprise (et non pas répartie entre les silos métier comme on le constate dans de nombreux cas).

Sans doute l’Architecture d’identité, telle que jadis imaginée, dans la lignée de Carmille, doit être basée à l’avenir sur un modèle tel que proposé par French-Road. Cela est nullement contradictoire.

Au fond, qu’est-ce qui est « normal », qui est « anormal »?

Si l’on m’apporte un service gratuit, bien plus performant que celui que j’aurais pu jadis espérer d’une « subdivision de l’équipement », mes données personnelles ne sont-elles pas « monnaie d’échange » ?

Un échange, mais jusqu’à quel point ? Et si l’Etat voit ainsi sa sphère de prestation se réduire, n’a-t-il pas moins d’impôts à lever ? Mais alors, ce « troc » le pénalise lourdement en lui volant la TVA ? Un troc mondial, facilitant un modèle économique bi-faces, et une assiette de taxation qui fond au soleil de la transformation numérique !

Prendre le contrôle de mes données ? La FING (Fondation Internet Nouvelle Génération) a montré l'utilisation de la "portabilité" au travers du projet "mes infos".

Plus radicalement, inversant le modèle économique actuel, imposé par les rendements d’échelle, l'association «  Génération libre » propose la patrimonialité des données : à l’extrême, tout un chacun, reconnu propriétaire de ses données, pourrait les vendre librement…Une intermédiation des données, un nouvel écosystème transnational, impensable encore sans une Architecture à concevoir et financer.



La philosophie, l'économie, la politique, la morale, la technologie... et l'Architecture, sont conviées autour du berceau d'une nouvelle civilisation digitale.

samedi 17 mars 2018

Architecture de Protection des données personnelles dès la conception (Privacy by Design)

La Réglementation Européenne de Protection des données personnelles (GDPR alias RGDP) prévoit que, dès la conception des projets, ceux-ci soient conformes. Ce "Privacy by Design" est un disposition particulièrement économique et prudent pour les très nombreuses entreprises et organisations soumises à cette réglementation. En effet elle leur évite les coûteux frais d'adaptation, en particulier pour les applications informatiques qui représentent près de 70 % du coût de mise en conformité à la GDPR.


Composante architecturale du Privacy by Design


Le Privacy by Design se décline en de nombreux aspects (organisation, processus, juridique, sécurité informatique) qui concernent autant de responsabilités internes.
Parmi tous ces aspects, la composante architecturale est sans doute celle qui a le plus d'impact potentiel, le plus fort effet de levier. En effet la réglementation est transverse à l'entreprise, quelles que soient les personnes concernées (clients, salariés, prospects, partenaires, ..), et quels que soient les "traitements" et "finalités".

L'architecture Privacy by Design s'impose donc à toutes les organisations de l'entreprise : sa qualité fondera la qualité des solutions locales ou subsidiaires, ou, à contrario, ses défauts se propageront dans tous les domaines du SI de l'Entreprise.

Dans de grands comptes, il existe une équipe d'Architecture d'Entreprise : il lui revient en toute évidence, sauf à démissionner de son rôle, de définir le socle de conformité commun à l'Entreprise.
D'ailleurs, il serait pour elle illusoire de s'en remettre au marché des éditeurs et autres fournisseurs de service : ce marché est historiquement fragmenté et organisé face aux silos des métiers. Bien sûr chaque éditeur affirme qu'il répond au problème dans sa globalité. Mais il ne peut le faire de par sa position spécialisée. Et s'il propose une architecture globale, une architecture intégrée, elle pousse le client, d'intégrations en intégrations, à confier toutes les clés de son SI. Autre démission dangereuse sur un sujet hyper-sensible. Soyons lucides : les GAFA sont les mieux placés pour cette offre globale et transversale. No comment.

Le sujet parait d'ailleurs insoluble, tant les données personnelles se sont subrepticement localisées dans de nombreux domaines du SI, avec des duplications incontrôlées, des conservations non-gérées,...

Pourtant ...

Le modèle architectural de conformité


Du point de vue architectural, le sujet se divise, grâce à la cohérence de la réglementation, à l'application des canons de l'Architecture Flexible, en un problème architectural central majeur, et 4 problèmes subsidiaires.

La plateforme de conformité


La question majeure est celle de l'architecture de conformité : le principe est simple, mettre en commun l'ensemble des fonctions communes nécessaires, et les rendre les plus "génériques" possible. On aperçoit ainsi 3 dimensions de généricité :


  • par rapport aux différentes catégories de personnes (catégories dans la réglementation : clients, salariés, etc.)
  • par rapport aux différents "traitements" (répertoriés dans le registre légal article 30)
  • par aux différents droits des personnes (accès, consentement, oubli, portabilité, opposition, limitation, correction, ...)
Cette architecture de conformité, ainsi définie, est réduite : une cinquantaine de données réparties entre une douzaine de tables relationnelles ou équivalent, représentant un petit nombre d'objets génériques. Une "clé de voûte" de la conformité, strictement identique d'une organisation à l'autre. Dans l'optique du Privacy by Design, le respect de cette architecture est facile et peu coûteux, il se limite à des principes d'interface, par exemple par API, et de traçage par des "puits d'événements" dédiés.

Les 4 "façades" : des conformités subsidiaires


Dans le modèle architectural de conformité, dont la plateforme constitue l'élément central pour toute l'organisation, celle-ci interfonctionne avec 4 façades. Ces façades sont des domaines d'intégration orientés vers 4 problématiques spécifiques. Elles sont, dans une vision globale et systémique, les suivantes:


La façade personne : intégrer aux différents canaux d'interactions avec les personnes, et quelles que soient les variantes technologiques, les prescriptions de la réglementation pour informer, recueillir les demandes de droit, mettre à jour les consentements, etc... Certes cette intégration se subdivise selon les catégories de personnes (en particulier celles qui sont référencées dans le registre obligatoire au titre de l'article 30), et soulève les classiques sujets de référentiel des personnes, de cohérence, voire de subsidiarité. La GDPR peut être une opportunité, ou non, de faire le ménage dans cette "façade personnes". A tout le moins, dans le Privacy by Design, on alignera le CRM, la GRH, le marketing, aux modalités d'interaction exigées par la réglementation.

La façade des traitements a une autre dimension de complexité, car les traitements sont dispersés dans les applications "métier" diverses et variées. Il faudra ici appliquer le cœur de l’exécution des droits, conforme aux consignes générales (frugalité, limitation de la conservation, ...) et appliquant les droits demandés par les personnes. Dans le Privacy by Design, grâce à la plateforme, bien des aspects sont simplifiés, et l'effort "urbanistique" sera de répondre aux demandes des personnes (accès, correction, portabilité, ...), et en respectant le protocole porté par la plateforme. Dans l'absurde, si un tel effort n'est pas imposé aux projets, on créerait une coûteuse dette d'urbanisme.

La façade des modèles, regroupe la description du patrimoine SI bien connue des Architectes et des Data Officer : on y décrit les applications, les données, les processus. Ces informations sont précieuses pour formater le registre, et orienter l'accès aux données. Là aussi il faudra mettre en place les interfaces, les API, les points de vérité, pour relier les métiers (Architectes, responsables de traitement, DPO, CDO, ...) autour d'un équilibre de gouvernance intégrant les conformités qui s'imposent à l'organisation (GDPR, LCB-FT, et conformités sectorielles).

La façade DPO, de protection des données, est dédiée, quant à elle, aux métiers de la protection (Data Protection Officer, responsables de traitements, RSSI, ...). Elle doit aussi impérativement être outillée, autour du registre obligatoire qui en est l'élément clé. Ce registret ne doit pas se limiter à un rôle documentaire passif : il est le composant informatique central de l'architecture et du Privacy by Design, interfonctionnant par API avec la plateforme et la façade des modèles. Le registre est le point de vérité sur les traitements, finalités, catégories de personnes et de données.


Un projet inter-entreprises


La description ci-dessus est rapide, trop dense... elle montre une voie. Le Laboratoire du Club Urba-EA a engagé ce chemin avec l'aide de 6 Grandes Organisations (ACOSS, Agrica, Aéroports de Paris, Banque de France, Harmonie mutuelle, RATP)  et de 3 éditeurs (DPO Consulting, Axway, Orchestra Networks).

Une première étape est franchie. Les enjeux sont importants pour tous, enjeux de société, enjeux de coût, de délai, de faisabilité. Nous n'avons maintenant plus de doute sur le modèle : il faut aller plus loin et prolonger ce mouvement avec un plus grand nombre d'Entreprises et Organisations qui y trouveront une réponse opérationnelle, simple et efficace, et se l'approprieront en l'intégrant à leurs spécificités métier.

Rapprochez-vous du Club Urba-EA pour connaître les modalités d'adhésion à ce groupe.

Contact : René Mandel ou Marcyal Courtoux

Ce projet a été présenté lors de la demi-journée sur les Données Personnes et Architecture des Systèmes d'Information organisée le 10 avril après-midi à Paris, ouverte à tous, programme :


Le modèle French-Road : confiance et maturité digitale,
Emmanuel PESENTI Président de French-Road

L’accélérateur GDPR du Laboratoire du Club Urba-EA, architecture Data Centric : extension, adaptation et intégration
René MANDEL, Vice-président du Club Urba-EA, promoteur du projet, Nicolas CHEVALIER, Architecte d'Entreprise

Mise en œuvre du Règlement RGPD à l'Insee
Patrick REDOR, chef de l'Unité affaires juridiques et contentieuses, Insee

Droit à la portabilité du RGPD : quelles nouvelles opportunités ? Le Self Data et le projet « MesInfos »
Manon MOLINS, Fing (Fondation Internet Nouvelle Génération)

FranceConnect, facilitateur de la mise en place de la RGPD pour les services publics : principes, démonstration
Guillaume HARRY de la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC), Responsable produits FranceConnect

Evolution de la protection des données personnelles : perspective par l’Association Française des Correspondants à la Protection des Données à caractère Personnel AFCDP :
Marie Noëlle SEHABIAGUE, Directeur et Cil mutualisé Cnaf et Caf, administrateur de l’AFCDP