mardi 12 novembre 2013

Philippines : une transformation à face cachée



Avec le drame des Philippines, l'humanité prend cruellement la mesure du dérèglement climatique qu'elle a provoqué.

Après le passage du typhon Haiyan


Selon les scientifiques, les cycles de variations climatiques naturelles, que notre planète connait dans notre période actuelle, ont une durée d'environ 100 000 ans. Ce rythme lent est profondément bouleversé par l’accroissement explosif de la concentration de divers gaz dans l’atmosphère, et en particulier le bioxyde de carbone (émissions de gaz à effet de serre multipliées par 100, concentration de ces gaz supérieure à celles observées depuis 800 000 ans).

Un des facteurs déterminant de ce choc planétaire est la combustion de matières fossiles, qui n'a cessé de croître depuis la révolution industrielle, s'est amplifiée avec la croissance mondiale, et se renforce encore.

Voir aussi une animation sur cette croissance.

Car l'humanité s'est fondamentalement transformée en apprivoisant l'énergie, et instillant l'usage systématique des carburants dans tous les domaines : mécanisation, transport, confort, industrie, ...
Mais cette transformation a une face cachée.

  • En effet, la face visible, celle de l'énergie facile, est la plus plaisante, synonyme de progrès, de développement, de connaissance, de puissance à l'image d'immenses gratte-ciel illuminés par vanité.
  • La face cachée nous concerne tous : la planète, qui semble éternelle et imperturbable au quotidien, fonctionne comme un système complexe, dont l'équilibre est précaire, et les temps de cycles longs. De sorte que nous ne percevons pas les conséquences de nos actes. Malgré les alertes de quelques scientifiques, généreusement contre-dits par les sceptiques, le commun des mortels s'en remet à sa perception locale, à sa vue de court terme, à des a-priori désuets.

Pourtant, de toute évidence, la transformation climatique va de pair avec la révolution énergétique que nous avons connue, et que nous prolongeons par obscurantisme (cf les mines de charbon à ciel ouvert, le gaz de schiste, la cogénération, la croissance mondiale du parc automobile...).

La consommation énergétique ne marque pas le pas, et repose toujours essentiellement sur la combustion de matières fossiles. Ce sont les deux faces d'une même transformation.


Bien sûr cette présentation est schématique : les mécanismes du dérèglement climatique sont très complexes et se jouent sur de nombreux cycles, avec une inertie (en particulier due aux océans) importante. Les modèles de prévision à long terme sont difficiles à établir car de nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Mais l'évidence est que le principe de précaution, sur ce sujet majeur, n'est pas reconnu. L'évidence est aussi que les nations, privilégiant leur vision locale et égoïste, n'ont pris conscience des dégâts induits à terme, de sorte que les politiques agissent à contre-courant et ne sont d'accord, au niveau planétaire, sur quasiment rien. Pour sa part, l'écologie ne propose pas d'alternative construite, avec un nouveau modèle de développement qui réduirait de façon drastique la consommation de matières fossiles, et viserait à réduire le gigantesque stockage irresponsable de gaz à effet de serre : l'extension du parc d'éoliennes parait bien dérisoire face aux enjeux climatiques. Enfin les contraintes financières actuelles, l'abandon de la filière nucléaire par certaines nations, ne font que renforcer le recours "gratuit" à la transformation de l'oxygène en bioxyde de carbone.

Il en va sur ce sujet comme sur d'autres : la face cachée de la transformation est méconnue, a-territoriale, et non gouvernée. Nous avons déjà l'exemple de la transformation numérique, où l'ire des nations jalouses de leur fiscalité voit fondre la "matière fiscale", et, pire, les activités productives du numérique se localiser là où la pression fiscale ou réglementaire les chasse (voir ici "la dérive des continents").

Dans un précédent message, nous proposions de vous plus loin, plus large. L'enjeux est aussi de faire l'effort de vision des faces cachées des transformations. L’expérience montre qu'elles existent souvent et que la seule appréhension des faces visibles, locales, matérielles, historiques, nous aveugle et met en danger.

La représentation en polygone, proposée pour mieux faire le tour des transformations où les systèmes d'information ont une part déterminante, s'applique ainsi à une autre échelle et sur des sujets majeurs. Y trouverait-elle une utilité pour une sanitaire prise de conscience ?


Sur ce schéma tout bête, figurent les cycles en cause, qui se jouent dans des espaces et des temps à l'échelle de la planète :


  • Accumulation géologique : formation, accumulation, transformation, maturation, piégeage de matières organiques le long des millénaires,...
  • Progrès scientifiques et techniques : maîtrise de l'énergie, moteur à explosion, véhicules motorisés, transports à vapeur, aériens, maritimes, routiers, centrales électriques, habitat en cités, immeubles de grande hauteur, ... en somme ... la révolution industrielle,
  • Exploitation des gisements : recherches géologiques, développement, exploitation, ...
  • Modes de vie énergivore : développement de l'habitat dispersé, modèle américain des villes tentaculaires, émergence de nouveaux pays incités à copier ce modèle dit évolué, ...
  • Effet de serre : cf. ce message et les nombreuses études sur l'accroissement progressif de l'effet de serre.
  • Dérèglement climatique : lente modification du climat, montée des océans, accroissement de la température, catastrophes : inondations, typhons, sécheresses, ...
Et bien sûr certains de ces cycles, peu visibles, sont orphelins de gouvernance dans un laisser-faire général.

La face cachée de la transformation planétaire induite par la révolution industrielle, est ce dérèglement climatique. Elle obéit à un parcours lent, mais inexorable. Le typhon Haiyant est un des premiers jalons dramatiques de ce parcours. Le voile se lève sur ce nouveau monde. D'autres jalons de catastrophes suffiront-ils à "transformer" la conscience collective, et l'égoïsme irresponsable et aveugle ? L'évolution des gouvernances mondiales sera-t-elle plus lente que celle du climat ? Il faut espérer que non, car, après le coup de semonce du cyclone, plus rien ne sera comme avant ...




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