vendredi 14 février 2014

Le défi éternel de la complexité des systèmes



Le thème de la complexité, de son accroissement inéluctable, des effets induits, est éternel. On s'y perd, enivre, dans l'infini d'un kaléidoscope.

Dans une époque où le changement est partout mis en scène, la complexité de nos systèmes d'information, et, au delà, de nos sociétés elles-mêmes, apparaît comme un obstacle au changement, un frein, voire un refuge de court terme.


Cette complexité, héritée de visions et actions opportunistes, a créé, à tous les niveaux de notre réalité, de magnifiques "mille-feuilles", onctueux à souhait, mais terriblement superflus.

Dans le fond, il en va des organisations, des structures réglementaires, des Etats et corps constitués, comme des systèmes d'information. Pour ceux-ci on constate que :

  • le processus de complexification est naturel, il découle de la vie et des besoins exprimés au coup par coup, souvent sans vision globale, comme nous l'avons à mainte fois constaté ici,
  • réduire la complexité est un processus d'un autre ordre, qui va à l'encontre de la nature facile du "fil de l'eau" : il coûte et suppose une volonté supérieure, et souvent une rupture.
Regardons une question, au "raz des pâquerettes" du jardin informatique : la fragmentation d'un support informatique, est un sujet question bien connu depuis des décennies : au fur et à mesure des demandes d'allocation d'espace sur le support, celui-ci se trouve progressivement fragmenté, au point que les performances se dégradent... le pourcentage de fichiers divisés en "fragments" devient trop fort, le "mur" de complexité créé accroît les temps d'attente de façon exponentielle.
Le remède est simple : il faut
Image de la fragmentation d'un disque dur
réorganiser le support ! Un utilitaire fait cela proprement et méthodiquement, il déplace les fichiers et supprime les fragments. Processus laborieux si les volumes sont importants, mais, visualiser cette progression, est un spectacle fascinant.

En somme :
  • la fragmentation a été inexorable, fatale d'une complexification naturelle au fil de l'eau,
  • la simplification exige une action volontaire, avec des délais et coûts.
A un autre niveau d'abstraction, dans le cas des systèmes d'information, il faudra aussi cette volonté, et une gouvernance des actions simplificatrices. La cellule d'urbanisme SI est l'avocat de ces opérations salutaires pour réduire les coûts de sur-complexité, les risques d'embolie, les rigidités de tout poil. Car la réforme est aussi une des clés de l'agilité, tant demandée pour faire face aux enjeux actuels.

Cet exemple des systèmes d'information, bien connu au Club Urba-EA, se transpose sur le sujet de la complexité des organisations ou sociétés, où les acteurs en sont moins conscients, souvent de parti-pris, et unanimement fatalistes.

D'ailleurs, dans les SI comme partout, les obstacles et accélérateurs sont les mêmes :
  • les obstacles sont les multiples variantes de résistance au changement, avec les incompréhensions des enjeux, la défense des acquis, la protection par des prérequis, des idéologies, des méthodologies, et réglementations empilées dont on ignore la finalité... Dans le SI il s'agit de "code" orphelin mais qu'on n'ose supprimer par crainte de l'imprévu.
  • les accélérateurs sont la prise de conscience collective, le dépassement des égoïsmes, le charisme de leaders visionnaires, ...
Et pourtant, il y aurait bien un autre remède, bien plus sain : que la lutte contre ces coraux qui créent les récifs de la complexité, contre ces empilements réglementaires, contre toute fuite en avant vers la commission, contre l'appel aux mirages de l'empilement, que cette lutte soit "native", qu'elle soit inscrite dans les gènes du quotidien.

Le framework gouvernemental FEAF
Certes l'histoire enseigne que les grandes évolutions se sont faites par rupture. Pourtant un changement progressif, moins brutal, moins coûteux et traumatisant, est praticable. N'y a-t-il pas là le principe même de l'urbanisme ? Prévoir une cible idéale, adaptée aux nouveaux enjeux, et déformer l'existant, à l'occasion des projets, au moindre coût, pour converger à terme vers cette cible.

Certes, il faut pouvoir tracer la cible, mais ce ne sont pas les méthodes qui manquent pour le faire (dans le SI : Togaf, FEAF, Sesames, Ceisar, Praxèmes, CCU Etat Français... on s'y perdrerait).

Cycles de vie de l'Entreprise selon le FEAF
Finalement qu'importe la méthode, c'est le fond qui est en question.

Et le fond est loin d'être inanimé : il est perpétuellement en mouvement, agité par de multiples biorythmes. On peut y voir de nombreux cycles, comme présenté ci-contre par le FEAF pour l'entreprise.

Personnellement, et passionnément, je prétends qu'il est aisé de repérer les invariants et de définir un canevas valable pour représenter tout type de système vivant, à quelque niveau qu'on se situe.

Les cycles de vie, les parcours, de tous types, matériels, immatériels, virtuels, en sont la base.
Ces invariants apparaissent dans le détail ou la globalité des SI, au sein des entreprises, des organisations, des sociétés, et des écosystèmes de tous ordres. Les "terrains de jeux" apparaissent alors clairement, l'anticipation est évidence, la complexité contingence.

Anticiper le changement nécessaire, et, par son évidence, y croire, et que la volonté collective s'exprime alors au quotidien. La défragmentation sera pratiquée à la base, en silence et sans discours, et le mille-feuilles fondra comme neige au soleil.






2 commentaires:

  1. Cet article est extrement interessant car il donne des pistes ainsi qu'un espoir d'accompagner le changement autrement que par les ruptures successives.
    Cependant, l'exemple de l'urbanisme est a moderer car la specificite de celui est qu'il peut s'inscrire dans le long terme sans craindre de disparaitre.
    C'est la peur de la mort ou de l'echec qui pousse les organisations a aller toujours plus vite au prix de negliger le processus d'amelioration continue qui conduit ineluctablement vers la rupture.

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