mercredi 10 avril 2013

La dérive des continents dans le flot numérique



Avec la numérisation des chaînes de valeur, une évolution géopolitique est enclenchée, nous avons explicité certains aspects de la transformation numérique en cours.
Le fondement technologique de cette évolution laisse penser qu’il s’agit d’un cycle économique long,  avec un changement majeur du poids des nations, comme cela s’est passé au cours des siècles.
Pourtant, pouvons-nous appliquer les modèles du passé à nos économies actuelles, où les évolutions se propagent, du fait même de la technologie, par contagion mondiale, beaucoup plus vite que par le passé ?
Le  cabinet Mac Kinsey, a évalué le poids de la « seconde économie », celle qui nait du numérique et s’associe intimement à l’économie traditionnelle, en instillant et prolongeant ses chaînes de valeur : en 2 décennies cette économie-là dépassera en taille son aînée, l'économie traditionnelle. Le temps de quelques cycles économiques d’expansion-récession, suffira à régénérer fondamentalement l’économie mondiale.

Les continents actuels

D’ailleurs les études macro-économiques attribuent quelques points de croissance à la numérisation. Cependant elles ne peuvent restituer l’ampleur du phénomène, observé sur courte période et sur des périmètres nationaux.
Car il est difficile de prévoir en pratique les conséquences locales et par métier, structure des emplois, de ces nouveaux grands équilibres, qui se joueront dans un contexte de plus en plus globalisé.
D’autant que, cachées par des évolutions « moyennes », de l’ordre de 3,5 % par an si on croit Mac Kinsey, de véritables remises en cause d’activités se produiront, comme cela s’est produit pour l’agriculture et l’industrie.

De façon métaphorique, quelle sera la configuration des futurs continents ? Reviendrons nous à l'état originel ?

Les continents originels

On constate par exemple des transferts extrêmement rapides au sein de la chaîne de valeur du marketing, vers de nouvelles places de marché (AdEx) pour la publicité dématérialisée (Display).


Le transfert de dématérialisation vers des activités numériques, moins coûteuses, plus collaboratives, plus « intimes » au vécu (voir ici "l'intimité numérique"), sera probablement bien plus rapide que la moyenne des autres évolutions économiques.
Par contre l’analyse macroscopique des chaînes de valeur, comme on peut le faire par type d’écosystème, selon le modèle proposé ici, montre :
  • Que la déformation de chaque chaîne de valeur, soumise à la pression conjuguée de la numérisation et de la concurrence géopolitique, sera originale et typique de chaque cas,
  • Que l’incidence de la numérisation sera de ce fait très variable, selon les processus concernés.

Le résultat de toutes ces déformations de composantes des chaînes de valeur, de ce que nous appelons ici des « maillons », transférera les opérations à réaliser sur le continent de cette seconde économie  :
  • Un continent global, apatride, ignorant les frontières, plus riche du fait des rendements d’échelle et de la rente que procure une position centrale face aux divisions des nations.
  • Un continent extrêmement réactif car libéré de toute contrainte matérielle, voir réglementaire.
  • Un continent pourtant arrimé aux continents physiques pour certaines de ses activités (R&D, antennes commerciales, représentation culturelle,…).

L’incertitude porte :
  • D’abord sur les disparitions d’activités « matérielles » : on voit bien la tendance, les menaces non seulement sur l’industrie à faible intensité technologique, mais sur les services  : les grands industriels locaux du service sont menacés par la « désindustrialisation des services », (voir par exemple le nouveau business modèle bancaire).
  • Sur la localisation de l’industrie du numérique, dont la composante matérielle (équipements de réseaux, télécom, informatiques) a rapidement quitté notre doux pays. Certes nous avons encore des « cerveaux », une R&D, mais sur un échiquier mondial qui incite, une fois les frais de recherche financés par la collectivité, à développer l’entreprenariat en dehors du périmètre national.


Car le temps passe, il faut une vision économique globale (voir à  ce sujet "Comment faire revenir l'emploi industriel en France" Le Monde du 19/3/2013) et une vision locale ne restitue pas la dérive des continents :
  • les cycles longs sont cachés par les cycles courts où les crises ont en particulier le rôle de casser les rigidités et résistances au mouvement de fond,
  • les raisonnements demeurent territoriaux, au mieux nationaux, alors que les enjeux sont continentaux,
  • les effets sont locaux et les causes globales : on s’acharne à corriger l’effet et non la cause. La cause qui est conséquence inéluctable de la division (fiscales, sociales, réglementaire,…) des nations face au raz de marée des espaces technologies ouverts par les autoroutes de l’Internet.

Les mêmes outils, qui permettent d’analyser les chaînes de valeur sur un périmètre local, au niveau de l’entreprise, de son écosystème, donnent une vision sur un périmètre plus global. A tout le moins, un morceau de voile est soulevé.

Par contre, les activités, dans un tel contexte, sont fortement conditionnées par la régulation qui y règne, ou plutôt qui fait défaut. Car les mêmes raisons qui ont incité à créer des lois, des règlements, des taxes et impôts, se déclinent sur le continent global : éviter les abus (sur les données personnelles par exemple), financer les services publics (voir à ce sujet ici la "captivité numérique")…

A quoi ressembleront nos futurs continents ?

Les futurs continents après la dérive
Bien sûr cette image est celle de la prospective géographique à 400 millions d'années, simulée  par ordinateur. Ce n'est pas la même échelle de temps, le continent global, celui de la seconde économie, devenant majoritaire à 20 ans...

Décidément la transformation numérique de la société est une affaire trop sérieuse pour … ? Quel est le pilote dans l’avion, est-il sur le bon périmètre, en orchestration des bons cycles ?

2 commentaires: