samedi 8 juin 2013

L'informatique historique et la révolution numérique


La révolution numérique est communément baptisée de nouvelle révolution industrielle. Ce fait est maintenant bien inscrit dans la conscience collective, avec des nouveaux usages sont ostensibles, avec les réseaux sociaux, la mobilité, le commerce en ligne.

Cependant, s'agit-il d'une révolution qui impactera réellement l'histoire de l'humanité, ou est-ce une simple évolution avec ses effets de mode, ses bulles spéculatives, ses emphases et ses déceptions ?
Certes, il n'y a pas de doutes sur l'origine du changement : elle est technologique. Mais l'évolution technologique n'a-t-elle pas été continue depuis plusieurs décennies (loi de Moore) ? Pourquoi y aurait-il donc rupture de nature à marquer l'histoire ?

Clairement, c'est la convergence et le mariage des techniques de traitement, de communication, de visualisation, de support et d'accès, qui créent une diversité infinie et inouïe, de nouvelles donnes nous projetant vers des futurs encore largement inconnus.

Ce foisonnement technologique est un fait. Les arbres de cette jungle technologique où l'on s'égare aisément, cachent la forêt des usages innovants et bouleversements économiques. Par delà le brouillard technologique, quelle révolution sociétale, quels impacts économiques, quelles vraies ruptures pour le vécu ?

Les grandes découvertes maritimes
Il s'agit bien, comme à l'époque des grandes découvertes maritimes, d'explorer de nouveaux territoires encore vierges d'usages.

Car la transformation numérique impacte toute la société et ses composantes :

  • au sein des familles,
  • dans la cité, les écoles, l'enseignement,
  • la vie sociale, culturelle, les déplacements, les loisirs, la santé,
  • les relations avec les institutions publiques, l'action des organismes de soins,
  • les entreprises et leurs écosystèmes...

Ces multiples secousses telluriques, dont on pressent les conséquences, démontrent que la révolution  dépasse les avancées technologiques des premiers ages de l'informatique, bien connues des entreprises, de leurs DSI, des industriels de l'IT, et des prestataires de toutes sortes.

En réalité, la carte des espaces est fondamentalement changée. Un nouveau paradigme règne pour nos espaces physiques et temporels, comme nous l'avons montré dans plusieurs messages :

  • Le "continent numérique" est global et apatride
  • Le vécu est accessible en intimité, bien au delà des frontières de connaissance traditionnelles, et de  leurs interfaces procéduraux (formalités administratives, actes de gestion, procédures commerciales, juridiques, ...)
  • L’ubiquité renforce la symbiose avec le vécu dans une dimension planétaire et instantanée,
  • De nouveaux cycles et événements émergent : biorythmes, cycles des équipements domestiques, des véhicules, de l'environnement local... et sont accessibles au monde technologique.
Bien sûr la technologie, provocatrice du bouleversement spacio-temporel, peut l'accompagner de ses nouveaux atouts : interfaces de support (tablettes, mobiles, écrans, ...), objets connectés de toutes sortes (sondes biologiques, équipements, véhicules,...), nouvelles architectures de traitement IT (big data, search, ...). Mais les questions majeures ne sont pas là.

Pour les Etats, les entreprises et organisations, l'urgence est de se préparer à cette transformation, qui remet en cause leur pouvoir économique, leurs marchés, leurs prestations, leurs relations :

  • avec les rendements d'échelle procurés par la production numérique,
  • avec les nouvelles dimensions du marketing, des canaux commerciaux, de la relation client (social-marketing, multi-canal, communautés),
  • les ouvertures d'innovation (open data, co-développement),
  • les nouveaux modèles d'affaire,
  • et les défis géopolitiques.
Ces enjeux sont majeurs. Mais l'acteur économique est "écartelé" par deux forces attractives :
  • se transformer sans abandonner ses bases, pour ne pas sortir de son marché et offrir des services, produits et relations rénovés intégrant les facilités numériques,
  • conquérir les nouveaux marchés que les nouvelles frontières du numérique ouvrent.
Quel choix ? "Intégrer" le numérique, ou jouer à fond la nouveauté en "pure-player" du numérique ?

Le compromis serait-il l'idéal ? Toujours est-il que les acteurs économiques majeurs (grands groupes, administrations) remettent peu en cause leur approche stratégique, et sa composante numérique. Leur défi est bien sûr d'intégrer rapidement le numérique, ne serait-ce que pour ne pas être devancé ou déclassé.

Cependant, ces grandes structures privilégient naturellement les processus en place, les expertises et méthodologies dominantes. Celles-ci ont fait leurs armes sur une problématique des premiers temps de l'informatique, où il faut faire face à la marrée applicative et aux accumulations erratiques du patrimoine IT.

Comment mener cette adaptation aux défis du numérique ? De fait, le haut de la pyramide de la conception et de la gestion des applications et autres ERP est occupé par des méthodes issues de l'époque historique, en voie d'être déclassées par l'explosion du numérique : pour la gouvernance de l'IT, le fameux COBIT ou, en matière d'Architecture d'Entreprise, le TOGAF qui est devenu la référence commerciale principale.
Cet arsenal méthodologique a structuré la profession bien au delà de l'école de pensée : formation, certification, référencement pavent le parcours des projets, avec prérequis, formalismes et procédures. Le travail des informaticiens et maîtres d'ouvrage en est cloisonné, sécurisé, encadré.

Ceci a les vertus du connu et référencé, à condition d'admettre l'adaptation au contexte et enjeu. Mais, face à la révolution qui s'annonce, ce carcan inerte n'encourage ni l'agilité, ni une conception rénovée adaptée aux fondamentaux du numérique.

Ainsi, pour des problèmes qui ne sont pas si complexes qu'on veut le croire, une surcouche de complexité est rajoutée, des prescriptions d'un autre age sont empilées sans véritable compréhension des finalités.

Je milite sur ce blog pour une approche par les chaînes de valeur. Cette approche prend naturellement racine dans le vécu, dans les cycles de ses événements, dans les transformations réalisées. L'imbrication de plus en plus forte au vécu, la symbiose avec les biorythmes qu'offre la "vie numérique", exigent une conception  restituant la dynamique de vie sans passer par les silos applicatifs, les files d'attentes de traitement, les processus asynchrones, les moniteurs de transactions, les déversements de norias de fichiers, et le cauchemar du labyrinthe des interfaces,...

Les bases de cette vision sont décrites sur ce blog, sous le terme de Value Chain Canvas Model (VCCM) (Trame Business en français). Cette description est en libre accès selon le principe de la GNU General Public License (GPLv3) l'objectif est de contribuer à la connaissance en offrant une alternative aux approches d'Enterprise Architecture historiques. Pour des cas d'usage voir sur SlideShare : exemples de Trame Business. On trouve aussi ici quelques concepts clés (anticipation-agilité, frontières, la valeur et son polymorphisme).

Une comparaison rapide, sur les simples textes de présentation d'une part de TOGAF, et d'autre part de VCCM, montre que les 2 approches ne "parlent" pas de la même chose.
Les termes les plus fréquents TOGAF
Les termes les plus fréquents VCCM


Par delà ce grand écart, on entrevoit tout le chemin qui devra être fait par le management et les acteurs de l'IT, depuis les architectes, les maîtres d'ouvrage, les DSI, les chefs de projet,... pour tirer les leçons du numérique et asseoir les nouveaux investissements sur des bases conceptuelles simples, rénovées, externes au monde de l'IT, et adaptées aux défis actuels.



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